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Critique de Erik35


PRÉFÉRONS BLACK MIRROR AUX IMITATIONS.

Lorsqu'une représentante des "Books on Demand" me contactait il y a quelques mois afin de me proposer la découverte du roman "La pomme" en échange d'une critique, je me souviens avoir aussitôt répondu que je n'étais évidemment pas contre le principe mais que j'avais une certaine prévention à l'égard des textes auto-édités. Cette mise en garde n'a pas effrayé cette très courtoise personne que je remercie sincèrement - quel que fut le résultat de ma lecture et de la rapide critique qui va suivre - pour l'envoi de ce texte "La pomme" d'un bien mystérieux Aaron.

En premier lieu, reconnaître que le marché de l'auto-édition a bien changé depuis cette époque pourtant pas hors d'âge (mais qui semble antique) d'une présentation physique ressemblant bien plus à la reliure de mauvaises photocopies qu'à de vrais livres, agréables à lire et à prendre en main. L'explosion éditoriale des années 2000 possible grâce, d'une part, à l'arrivée massive de l'impression numérique et, d'autre part, à internet, a largement bouleversé ce secteur d'activité. Pour autant, est-ce que cela a modifié du tout au tout la qualité intrinsèque des textes ainsi produits ? Je ne me permettrais pas d'être aussi définitif que tranché dans mon jugement, n'ayant, somme toute, qu'une expérience parcellaire et modeste de tels titres. En revanche, je peux affirmer sans choquer personne - puisque cela procède de ma seule expérience personnelle - qu'aucun des romans, recueils de poésie, de nouvelles ou de souvenirs ainsi édités ne m'a jamais vraiment convaincu. D'aucuns me tombant même franchement des mains.

Sans en arriver à cette dernière extrémité, il me faut hélas avouer que ce énième roman auto-édité ne déroge pas à ce constat intime.

Ni tout à fait SF version "anticipation" ou "dystopie" comme il est désormais de rigueur d'affirmer - les éléments en sont trop faibles et déjà presque rejoints par la réalité contemporaine - ni vraiment histoire d'amitié maudite - en l'occurrence c'est parce qu'on a du mal à y croire vraiment - ni roman psychologique - les personnages sont tellement monolithiques, caricaturaux et prévisibles qu'on n'y croit pas plus là non plus - ni tout à fait histoire d'amour - deux des trois personnages principaux semblent si peu fait l'un pour l'autre que ça en devient presque gênant en tant que caricature de "l'aveuglement amoureux"- , on y retrouve par ailleurs pèle-mêle - c'est à dire que c'est presque une foire d'empoigne des thèmes "mainstream" - des sujets en vogue tels que le climat, la condition féminine, le terrorisme, la virtualisation des rapports sociaux, le racisme, les compromissions étatiques, collectives et individuelles, les injustices diverses et variées, les faux rêves et les faux prophètes, les histoires d'amour impossible, les relations père-fils, le respect dû aux anciens (ou son absence), le proche-Orient, les différences culturelles... et je pense en oublier. Ouf !

Le tout se présent un peu comme une mauvaise pâtisserie - vous voyez, ces gros gâteaux américains à plusieurs étages, littéralement recouverts de pâte d'amande, de crème fouettée, de macarons et de ganache aux couleurs toutes plus chatoyantes et chimiques les unes que les autres - qu'on vous demande d'avaler sans la moindre goutte d'eau rafraîchissante et dont vous vous rendez vite compte que le goût en est presque aussi insipide que leur apparence est criarde. C'est, avec un peu d'exagération je l'avoue, l'effet que me fit la lecture de ce roman à l'écriture alambiquée, faussement complexe, pas loin d'être prétentieuse même : elle s'arrête juste quelques crans avant, ce qui lui laisse malgré tout l'occasion de ne pas être désagréable à lire malgré l'ennui, «toute chose égale par ailleurs», aurait ajouté un ancien professeur en sciences économiques.

À force de grands écarts, d'accumulation de thèmes, d'essais de styles - ces quelques pages de la jeune femme recueillie par le couple comme femme de ménage sont d'une niaiserie affligeante et sans aucun intérêt pour la trame romanesque... Mais pourquoi ? - de jugements moraux qui se veulent profonds et qui sont, la plupart du temps, empruntés, superlatifs et maladroits, de caricatures involontaires - l'ensemble se montre par trop sérieux pour être de ce genre-là -, on obtient ce roman fourre-tout, déjà dépassé à force de se vouloir moderne, où rien ne choque à proprement parler mais où rien n'est tout à fait convainquant pour autant, et qui nous fit regretter, en ces jours déjà un peu lointain où nous le lisions, d'avoir déjà vu l'intégralité de cette excellente série d'anticipation qu'est Black Mirror, plus particulièrement cet épisode consacré aux dérives possibles des réseaux sociaux, lui aussi presque déjà rejoint par la réalité du monde (cf la Chine), mais tellement convainquant dans son déroulé qu'on ne peut faire l'économie d'une comparaison, au détriment de ce récit.

Ce n'est pas encore pour cette fois que l'autoédition aura su me convaincre de sa différence régénérative et créatrice. C'est peut-être dommage, mais est-ce si grave et important que cela ?
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