AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Kirzy


Lady Chatterley a réellement existé. Ou plutôt la femme qui a inspiré ce personnage à D.H.Lawrence. Elle s'appelait Frieda von Richthofen, Allemande née baronne. C'était sa muse, celle qui lui a inspiré quasi tous les personnages féminins de ses romans. Celle qu'il a épousé en 1914 et qui vécu à ses côtés jusqu'à sa mort en 1930.

Cette biographie romancée commence en 1907 par la visite très cruelle de la soeur de Frieda qui déplore le « mauvais » mariage de sa soeur avec un philologue anglais sans gros revenu, qui exhibe ses bijoux et lui balance à la figure sa vie joyeuse et sans entrave à Munich, l'exhortant à se retrouver avant de se perdre. On découvre une Frieda engluée dans un mariage qui ne lui convient avec un mari austère et pudibond, enfermée dans la maternité, alors qu'on sent que cela bouillonne en elle, qu'elle a un feu sacré au fond d'elle qui ne peut s'exprimer.

Annabel Abbs est très forte pour susciter une empathie immédiate pour cette Frieda poussée à la marge de sa vie dans une tristesse muette. Comme dans L'Amant de Lady Chatterley, l'amour et le liberté ne font qu'un avec l'expérience de la transformation. C'est à Munich, auprès de ses soeurs que la métamorphose de Frieda s'opère vers un complet épanouissement sexuel, intellectuel et créatif. le contexte historique est très bien rendu. Munich était une ville d'avant-garde, attirant écrivains, artistes, libres-penseurs, bohèmes. C'est là qu'elle est « initiée » par le psychanalyste Otto Gross à la sexualité désinhibée, c'est là qu'elle découvre qui elle est. Lorsqu'elle rencontre le poète D.H Lawrence quelques années plus tard, elle est prête à choisir sa vie.

En fait, tout le récit s'articule autour de la question du sort de la muse dans l'ombre de la gloire littéraire. Frieda fait le choix de soutenir entièrement Lawrence, présenté comme despotique et capricieux, voulant Frieda rien que pour lui car il sent que sans elle, il ne pourra mener à bien sa volonté de marquer la littérature de son empreinte. Frieda paie un prix déchirant pour sa liberté, celui de renoncer à toute prétention légale sur ses trois enfants.

Annabel Abbs a un vrai talent pour dresser, à côté du portrait tout en sensibilité de Frieda, le tableau sombre de la condition féminine au début du XXème siècle, tout en évoquant le point de vue des enfants grâce à la narration très touchante de Monty, fils aîné de Frieda que l'on voit grandir en s'interrogeant sur sa mère et en souffrant de son absence. L'auteure sait également très bien peindre les hommes qui gravitent autour de Frieda. le personnage du mari m'a particulièrement touché, étonnamment, figure d'abord terne et agaçante tant il ne comprend rien à la puissance de sa femme, puis vacille au bord de la folie lorsqu'elle le quitte. Un mari, en fait, complètement inhibé, victime de la pudibonderie de l'époque, ne supportant pas que ses enfants marchent pieds nus dans l'herbe, choqué lors de sa nuit de noce par la sensualité débordante de son épouse si fougueuse.

Une excellente lecture dévorée en quelques jours, qui m'a permis de découvrir un personnage passionnant, scandaleusement en décalage avec son temps, sans pour autant être dans le moule du féminisme actuel #MeToo, entièrement elle en tout cas. Comme un envie de relire L'Amant de Lady Chatterley ...
Commenter  J’apprécie          1017



Ont apprécié cette critique (97)voir plus




{* *}