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Critique de Arakasi


Monza Murcatto est la « Bouchère de Caprile », général de la fameuse compagnie mercenaire des Mille Epées et principal soutien du duc Orso dans sa quête de la couronne de Styrie. Depuis que la guerre civile a éclaté entre les cités styriennes, elle a apporté cent preuves de ses redoutables et meurtrières compétences en abattant un à un les ennemis de l'ambitieux aspirant dictateur. Mais gloire, victoire et courage ne sont d'aucune utilité à Murcatto quand son employeur, effrayé par sa popularité croissante, décide brutalement de se débarrasser d'elle. En un instant, Murcatto voit toute sa vie détruite: ses hommes achetés, ses capitaines retournés, son frère bien-aimé égorgé sous ses yeux… le corps brisé et l'âme réduite en lambeaux, elle est laissée pour morte par ses ennemis et jetée du haut d'une falaise pour venir s'écraser au pied de la forteresse ducale.

Grave erreur car Murcatto survit ! Privée d'amis, mais toujours nantie de l'or accumulé pendant ses années de rapine et de lutte guerrière, elle surgit du tombeau pour détruire les sept hommes qui ont ruiné son existence. Dans ce but, elle s'entoure d'une petite troupe de six salopards, tous aussi peu recommandables et redoutables qu'elle : un barbare nordiste sans le sou, une spécialiste de la torture, un maître-empoisonneur et son élève, un ancien forçat un poil psychotique et son ancien général en chef qu'elle avait elle-même trahi par ambition quelques années plus tôt (Ô ironie dramatique, quand tu nous tiens !). Pour mener à bien sa vengeance, Monza Murcatto ne reculera devant aucune extrémité, n'épargnera rien, ni personne, car comme le répétait si souvent son frère assassiné « Pitié et lâcheté sont une même chose ». Mais dans la Styrie déchirée par les conflits fratricides et les machinations politiques, l'ancienne mercenaire n'est pas la seule à nourrir des rêves de revanche et de massacre. Nous sommes au début du printemps en Styrie et la saison s'annonce sanglante !

Durant le premier tiers de « Servir froid », j'ai eu un peu de mal à comprendre l'engouement que le roman avait suscité auprès des lecteurs et de la presse. Certes, le début de l'intrigue est bien rythmé et le personnage principal assez atypique pour attirer la curiosité, mais le tout manquait d'originalité et de profondeur et promettait à la première vue de se montrer un peu répétitif : une ville / un meurtre, une ville / un meurtre, etc… Heureusement, passée cette première partie pas très affriolante, le roman prend rapidement de l'ampleur et rompt cet enchainement assez monotone pour enchainer retournements de situation et sanguinaires coups-bas avec une ardeur des plus distrayantes. Certains passages s'avèrent franchement haletants et les 400 pages restantes se dévorent comme un rien.

L'univers d'Abercrombie prend également de la consistance et se distingue par une oppressante noirceur et une amoralité décomplexée : tout y est crasseux, désillusionné, rongé de vices, à commencer par les personnages bien sûr. Qu'ils soient secondaires ou principaux, ils rivalisent tous de cynisme, d'égoïsme et de brutalité. Pas un pour rattraper les autres ! Même le frère martyr de Murcatto s'avère finalement avoir été une petite-frappe cruelle dont on se demande si la vie valait vraiment tout ce sang versé. En ce qui me concerne, celui que j'ai jugé le plus sympathique du lot était l'ancien chef de Murcatto, l'ex-général Cosca, joyeux bougre rigolard et flegmatique, mais aussi traitre qu'un chacal et sinueux qu'un serpent. C'est dire le niveau de vertu ambiant… Tout cela pourrait être un peu déprimant à la longue sans la bonne dose d'humour noir et de second degré qu'Abercrombie a l'intelligence d'insuffler à son intrigue : si le style littéraire n'est pas la grande force de l'auteur, il faut lui reconnaître un don appréciable pour les dialogues grinçants et les réparties mémorables. Sans être un chef d'oeuvre du genre à mes yeux, « Servir froid » s'est révélé en définitive un roman hautement recommandable et très divertissant. Je me laisserai surement tenter par d'autres livres d'Abercrombie s'ils sont du même tonneau !
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