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Citations sur La grande mer (24)

L’essor de Pise et de Gênes, comme celui d’Amalfi, recèle bien des mystères.
L’énigme s’épaissit encore si l’on songe à l’étonnant succès du combat de ces cités pour débarrasser la Méditerranée occidentale de ses pirates et ouvrir de nouvelles routes commerciales, appuyées par des comptoirs et des colonies aussi loin qu’en Terre sainte, en Égypte ou à Byzance. Pise et Gênes affichaient pourtant des profils totalement distincts. La seconde avait été le siège d’un gouvernorat byzantin au VIIe siècle, après quoi elle avait connu près de trois cents ans de sérénité, avant que l’irruption de pillards sarrasins venus d’Afrique du Nord ne la mette sauvagement à sac en 934‑935. Sans ressources apparentes et perchée à proximité des Alpes
ligures, elle était en outre coupée des plaines céréalières. Le vin, la châtaigne, les herbes et l’huile d’olive comptaient parmi ses produits phares prélevés sur le littoral. Un mélange de ces herbes et d’huile donna naissance à la sauce au basilic et à l’ail appelée pesto, un aliment qui évoque la pauvreté plutôt que l’opulence.
Après de nombreux siècles d’aménagements, son port ne devint opérationnel qu’à la fin du Moyen Âge. Ses navires se protégeaient toutefois mieux des intempéries en s’échouant sur les côtes sablonneuses réparties de part et d’autre de la cité, et c’est également là que la plupart d’entre eux étaient assemblés. À l’exception de la construction navale, Gênes ne brillait guère par l’activité manufacturière. Ayant dû lutter pour continuer d’exister, les Génois en étaient venus à considérer leurs expéditions maritimes comme la clé de leur survie. La croissance de la ville s’était accompagnée d’une dépendance à l’égard des approvisionnements extérieurs en grains, viande salée et fromage. De ces humbles débuts naquit pourtant l’un des réseaux commerciaux les plus ambitieux du monde préindustriel.
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Le poète anglais de l’Empire britannique Rudyard Kipling a écrit ces vers souvent cités : « L’Est est l’Est, et l’Ouest est l’Ouest, et jamais ils ne se rencontreront. » Si, au début du XXe siècle, les observateurs européens semblaient résignés devant les différences jugées inconciliables entre les mentalités orientales et occidentales, ce n’était pas le cas au XIXe siècle. L’idéal de ce temps tendait vers la fusion, un syncrétisme à la fois physique, à travers le canal de Suez, et culturel. D’un côté, les Européens s’enthousiasmaient pour les cultures du Proche-Orient ; de l’autre, les souverains de ces territoires, les sultans ottomans et leurs vice-rois largement autonomes d’Égypte, se tournaient vers la France et la Grande-Bretagne pour adopter des modèles susceptibles de relancer leurs économies languissantes. Il s’agissait de relations croisées. Contrairement à ce que prétendent ceux qui voient dans l’orientalisme une expression de l’impérialisme occidental, les maîtres de la Méditerranée orientale se passionnaient pour les contacts avec l’Ouest et se voulaient membres d’une communauté monarchique embrassant l’Europe et la Méditerranée.
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La faiblesse croissante de l’Empire ottoman amena la puissance russe à porter son attention sur la Méditerranée. À partir de la fin du XVIIe siècle, les tsars étendirent leur autorité sur le Sud, en direction de la mer d’Azov et du Caucase. Dès lors que Pierre le Grand se détacha de la Perse, les Turcs, qui gouvernaient la Crimée, se sentirent menacés. Pour l’heure, si les Russes étaient accaparés par leur conflit avec les Suédois pour la domination de la Baltique, Pierre n’en cherchait pas moins à s’ouvrir un accès à la mer Noire. Ces projets fleuraient la vieille patrie, que Pierre visait à réformer, autant que la nouvelle Russie technocratique, qu’il aspirait à créer. L’idée que le legs religieux, voire politique, tsariste remontait à l’Empire byzantin et que Moscou incarnait une « Troisième Rome » n’avait pas été éclipsée par la décision de Pierre d’établir sa capitale sur la Baltique, à Saint-Pétersbourg.
De même, les Russes pouvaient se vanter de posséder des centaines de vaisseaux de ligne capables de se mesurer avec les Turcs en mer Noire, même s’il leur restait du chemin à accomplir avant de pouvoir livrer une bataille en mer complète et si la qualité de leurs bâtiments eux-mêmes laissait à désirer, malgré le célèbre voyage d’inspection des chantiers navals d’Europe occidentale qu’avait effectué Pierre sous le pseudonyme de Mikhaïlov.
En résumé, il s’agissait d’une flotte « sans discipline, peu aguerrie et au moral bas, lourde à la manœuvre et faiblement administrée et équipée ».
Un contemporain fit remarquer que « rien n’avait été moins bien dirigé que la marine russe », tant les magasins navals de l’empire manquaient de tout, du chanvre au goudron en passant par les clous.
Afin de tenter de mettre sur pied une structure de commandement moderne, les Russes engagèrent des amiraux écossais. Pour leurs approvisionnements, ils se tournèrent vers les Anglais.
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Au cours du XVIIe siècle, les relations entre États européens se modifièrent de façon si spectaculaire que les répercussions de ces changements se firent sentir dans toute la Méditerranée. Durant la guerre de Trente Ans, catholiques et protestants s’affrontèrent avec une telle violence que la question de l’identité confessionnelle revêtit une importance sans précédent chez les puissances belligérantes. À partir de 1648, un plus grand degré de réalisme politique, ou de calcul cynique, fit son apparition.
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L’idée d’une même communauté d’habitants se rencontrant à travers les ports, les côtes et les îles de la Méditerranée est renforcée par la preuve de l’utilisation d’un langage commun, appelée lingua franca. Les langues qui permirent aux peuples des différentes rives de communiquer entre eux remontaient aux temps très anciens où le punique, le grec puis le bas latin s’étaient diffusés sur de vastes étendues méditerranéennes. Beaucoup avaient sans doute dû échanger dans des pidgins, ou sabirs, rudimentaires qui devaient autant aux gestes qu’aux sons.
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À Venise, un élément de stabilité était fourni par l’industrie navale, la plus grande de la cité et peut-être la mieux organisée de tout le bassin méditerranéen. L’arsenal, qui jouxtait le vaste atelier de fabrication de cordage de chanvre connu sous le nom de Tana, était déjà bien établi au début du XIVe siècle, lorsque Dante entendit dans ses sombres profondeurs les échos de l’enfer lui-même :

Comme à Venise, au temps du givre et de la glace,
Bout, dans les arsenaux, la résine tenace
Qui sert à radouber les bois avariés
Pour les rendre à la mer. L’un refait son navire
À neuf ; on voit un autre avec la poix l’enduire
Et calfater ses flancs que la vague a rayés.
La scie est à la proue, à la poupe la hache ;
Là des rames, ici des câbles qu’on rattache ;
On recoud la misaine et le mât d’artimon…
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Et cependant, au début du XIVe siècle, un changement sans précédent se produisit. Les trois principales banques familiales florentines des Bardi, Peruzzi et Acciaiuoli avaient tissé des liens étroits avec les souverains de Naples, les Hospitaliers de Rhodes et des monarques à travers toute l’Europe, qui ne comptaient que trop sur les crédits qu’elles accordaient. Mais ces établissements financiers s’étaient effondrés, avant même la Peste noire, parce qu’elles avaient accumulé trop de dettes toxiques, notamment des prêts au roi d’Angleterre Édouard III. Les banques internationales qui finirent par les remplacer prirent garde de ne pas trop s’exposer et de n’effectuer que des opérations modestes. Ce fut le cas de celle des Médicis, malgré la puissance politique et la renommée de la famille qui l’avait fondée et la dirigeait.
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En 1297, une faction rebelle de Gênes, conduite par un certain François Grimaldi, dont l’habitude de porter une capuche lui aurait valu le surnom de monaco, le terme italien pour « moine », se serait emparée du rocher qui porte aujourd’hui ce nom, à l’extrémité occidentale du territoire génois. En réalité, le toponyme viendrait de monoikos, un mot grec signifiant « terroir », qui lui aurait été donné par des colons phéniciens dans l’Antiquité.
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Au XIIIe siècle, les Rufolo feraient ainsi construire à Ravello un palais empruntant aux goûts architecturaux islamiques, et la cathédrale, ou dôme, d’Amalfi, avec son célèbre cloître du Paradis, reprendrait des éléments à la fois musulmans et byzantins. Le recours à des modèles orientaux ne dénotait aucune ouverture particulière aux autres religions et cultures. Comme à Venise, les styles exotiques proclamaient simplement la richesse, le prestige et la fierté familiale, sans doute aussi la nostalgie d’une époque où Amalfi dominait, avec Venise, les communications entre Orient et Occident.
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Même quand, aux environs de 400, des hordes de Goths, de Suèves et d’autres peuples germaniques marchèrent sur la Gaule, l’Italie et l’Espagne, et même encore après le sac de Rome, en 410, l’Afrique sembla en sécurité. Un intellectuel africain, Augustin, devenu évèque d’Hippone et mort en 430, fut dit-on tellement choqué par l’événement qu’il y trouva l’inspiration pour écrire son chef-d’œuvre, La Cité de Dieu, dans lequel une « cité » céleste surpasse la fragile cité terrestre et l’empire de Rome.
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