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Critique de Grilhou


Ce roman écrit à la première personne nous offre à découvrir les déboires de Paul Steiner, écrivain quadragénaire, né en banlieue, et installé en Bretagne depuis que ses premiers succès littéraires lui ont permis une certaine liberté matérielle. Notoirement névrosé, se disant lui même invivable, souffrant de "la Maladie", dépression qui tente à se cacher derrière des habitudes addictives, Paul ne supporte pas la séparation qui le touche : Sarah, sa femme adorée l'a quitté, emmenant avec elle ses deux enfants aimés eux aussi à la folie.
Mais voilà, Paul est contraint par nécessité de revenir en région parisienne, dans la banlieue (à "V." ) qui l'a vu naître, car sa mère est souffrante et son père ne s'en sort pas.
De fait il se retrouve face à tout son passé, face à ses parents, son frère, ses amis d'enfance. Ce retour sera pour lui l'occasion d'une mise en perspective de sa vie, de ses valeurs, de son héritage familial à bien des égards rejetés.
Evidemment, Paul découvrira beaucoup de choses durant ce séjour. Il ne parviendra pas mieux que par le passé à communiquer avec son père. Sa mère touchée par la maladie lui donnera malgré tout les clés des pistes qui le mèneront à ces fractures invisibles de l'enfance les plus enfouies. Il continuera à s'accrocher avec violence avec son frère aîné, tout son opposé tant sur le plan psychologique que social ou politique, et découvrira qu'il est devenu un étranger, un autre, pour ses anciens amis de collège ou lycée, pour Sophie son ancien amour de jeunesse.
Le livre s'achève sur l'espoir d'un nouveau départ, non pas une happy end, mais encore une mise en route vers une autre "lisière", encore plus loin, encore plus profonde dans la nature du changement qu'elle impose.
Ce livre est un cri de douleur, un cri de révolte, un cri de rage même parfois. C'est le cri d'un homme qui ne comprend pas que le monde soit si injuste, que la société soit si carcérale en ce sens qu'elle constitue une machine à enfermer les "gens dans des cases" desquelles ils ont le plus grand mal à sortir.
L'histoire de la révolte de Paul c'est celle de beaucoup d'entre nous, ceux qui nés d'une famille dite "moyenne", dans ce que l'on appelait un lotissement ou une banlieue, se sont extraits de cette catégorisation par l'éducation, le métier ou quelque rencontre. Ce changement de niveau, si l'on peut dire, induit une césure nette d'avec son milieu familial notamment, mais aussi d'avec ses amis d'enfance, son passé. le grand talent d'Olivier Adam est de dire tout cela avec une acuité d'autant plus sincère qu'il s'exprime à la première personne. Ce roman est un roman de "je" et de "moi, ou "me". de fait le point de vue n'est ni supérieur, ni inférieur, le lecteur est au niveau des émotions pures, du vécu, des choses et des évènements, sans jamais aucun jugement de valeur, mais avec une immense humanité.
D'aucuns regretterons les digressions politiques qui émaillent le propos, le soutien d'une certaine gauche, le brocardage d'une droite présentée volontiers comme réactionnaire, la vision spectrale de la "Blonde, fille du Borgne", pour laquelle s'apprête à voter le père de Paul. D'autres trouverons sans doute que le côté psy, "la Maladie", névrose, alcool et cigarettes est un peut trop amplifié. Je n'y ai vu que l'air de notre temps, et l'imprégnation permanente à laquelle nous sommes soumis par tous ces recteurs de sens, politiques, communiquants, sociologues (Bourdieu en prend pour son grade), médias et télévision.
Pour ma part j'ai trouvé très impressionnante cette capacité de l'auteur à ne pas faire une autobiographie tout en piochant très abondamment sans doute dans sa vie personnelle. Nous sommes loin des chantres de l'autofiction comme S. Doubrovsky. Ici le propos est de toute autre nature. le lecteur est réellement plongé dans une fiction. Les thèmes abordés par O.Adam sont très contemporains, ses interrogations justes, sa révolte contre les siens, les autres, la société, lui même aussi, est l'expression d'une humanité très profonde.
Je n'ai pu m'empêcher de penser au thème de l'île, de l'insularité, si présent il y a une dizaine d'années. Ici, nous voici en plein dans une thématique très actuelle, celles des frontières, du "borderline" dirait le psy, des lisières dit Olivier Adam qu'il a déjà évoquées dans ses ouvrages précédents. Assurémment il est dans le juste et dans l'authenticité de nos existences contemporaines, bien fragilisées par toutes ces lisières qui nous bordent, et que l'auteur dévoile si intelligemment.
En conclusion, un très beau livre, dérangeant, agaçant parfois, envoûtant toujours. Merci de cette très belle littérature.
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