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Critique de berni_29


Je vous assure, il n'est pas facile d'évoquer un livre qui parle d'une histoire de lapins. Et encore moins lorsqu'on l'a aimé. Car j'ai aimé Watership Down, écrit par un auteur dont j'ignorais jusqu'au nom - Richard Adams - avant d'avoir effleuré la couverture du livre que mettait en avant sur un présentoir la bibliothèque communale que je fréquente régulièrement. J'ai été aussi encouragé à saisir ce livre lorsque j'ai découvert de quelle maison d'édition il s'agissait : Monsieur Toussaint Louverture. Si vous ne connaissez pas encore cet éditeur, courrez-y vite, gambadez vers lui, traversez champs et prairies pour découvrir son étonnant et merveilleux catalogue.
Lorsque vous arriverez à la fin de cette chronique, vous n'aurez plus aucun doute sur mes choix éclectiques de lecture.
Si j'osais un raccourci, je pourrais dire que Watership Down, c'est un peu l'Art de la Guerre façon Bugs Bunny. Mais bien entendu, timide depuis mon terrier, je n'ose pas vous l'exprimer comme cela...
Au départ l'histoire est toute simple : c'est une prairie avec des lapins. Le temps ressemble au bonheur, à l'éternité, à un champ de verdure et de carottes. A l'entrée de la prairie, un panneau va déclencher une épopée lapine : « Ce domaine idéalement situé - trois hectares d'excellent terrain à bâtir – va être loti par une société immobilière pour y construire des résidences modernes de grand standing ».
À l'initiative de deux frangins lapins, Hazel et Fyver, ceux-ci entraînent toute une communauté à quitter leur garenne menacée par cette destruction imminente, et tant qu'à faire, autant partir, tout quitter pour aller chercher la terre promise. Forcément, quand on va chez les autres, ça coince, ça frotte. C'est bien comme cela que les guerres commencent, n'est-ce pas ? Quand on commence à regarder du côté du voisin, de l'autre côté de la barrière, celle que nous n'avons pas le droit de franchir.
Je vous avoue, cette histoire de lapins m'a un peu dérouté au premier abord. En découvrant les premières pages, je me suis demandé : où suis-je ? où vais-je ? dans quel terrier j'erre ? Mais, après les 541 pages dévorées comme des carottes, je gambadais, alerte, dans la prairie...
Au fond, plus qu'un art de la guerre, je vois aussi dans ce roman foisonnant un art de l'entraide, de la solidarité et aussi de la survie. C'est avant tout un roman d'aventures. D'ailleurs, faut-il y voir autre chose ? À qui appartient l'imaginaire qui sort d'un récit ? À son auteur ou bien au lecteur ? Bien sûr, il ne faut sans doute pas y voir autre chose qu'un roman d'aventures, d'ailleurs l'auteur semble nous l'avoir recommandé à d'autres endroits et nous garder d'y voir tout anthropomorphisme, mais comment ne pas voir dans cette histoire de lapins : nos gestes, nos limites, nos horizons au-delà de nos propres prairies ? Notre façon de parvenir de l'autre côté ou de pas y parvenir ? Ensemble, pas ensemble, l'entraide quoi...
Malgré l'épaisseur du livre, on ne s'ennuie jamais. Le rythme est toujours soutenu, haletant. Parfois, je me suis retrouvé bêtement à attendre, espérer, imaginer, bref me prendre à cette histoire de lapins, à être dedans, parmi eux, dans les garennes, courir presque comme eux dans les herbes sauvages et mouillées. Il y a une forme de suspense puisque l'élan de solidarité nous prend aussi, nous avons envie d'être avec eux, de les aider, mais pour le coup pas en tant qu'être humain, seulement en tant que lapin. Et c'est là que l'imaginaire de Richard Adams opère puisque brusquement la métamorphose se fait et nous sommes bien transformé en lapin au milieu d'une garenne. Ce qui rassure lorsque nous devenons lapin, c'est que nous ne sommes jamais seul. Des amis surviennent de manière inattendue, parfois fragiles, parfois maladroits, mais toujours là et c'est bien là la définition d'un ami. Et puis nous apprenons ici les mots propres aux lapins : Farfaler, c'est aller se promener dans les herbes... Faire raka, je ne vous fais pas un dessin ?
Pour avoir expérimenté différentes métamorphoses durant des lectures animales, il vaut mieux entrer dans la peau d'un lapin que dans celle d'un loup ou d'un renard. Vous serez moins seuls et sans doute plus à l'abri du danger, quoi que...
Dans le roman de Watership Down, il y a des héros (comment retenir Bigwig jusqu'à nous), des anti-héros, des méchants (le général Stachys, sinistre), un héros légendaire (Shraavilshâ), des Dieux (par le grand Krik !), des faux-culs, des traites, des hases aussi, objets de convoitise par la tribu des lapins en fuite, en guerre, en désir aussi. Parfois la guerre se fait pour elles aussi ou bien à cause d'elles... Tiens, la Guerre de Troie n'est guère loin... Elles sont très effacées... Certaines meurent. Elles n'ont pas le beau rôle. On ne leur demande pas leur avis. Richard Adams n'était sans doute pas un grand féministe, doux euphémisme, c'est là le seul reproche qu'on peut lui faire. À moins justement de n'y voir qu'une unique histoire d'aventures et de lapins. Car dès qu'on se met à interpréter cette histoire à l'aune d'une lecture passionnante, forcément le risque est de ramener cela à nos propres vies intimes et collectives... À l'époque où de nombreux migrants fuient leur terre natale pour tenter de trouver un quelconque eldorado au prix de nombreuses vies, nous voyons ici et là des actes de solidarité, des marins pêcheurs dans des barques qui tendent leurs bras pour sauver des enfants qui se noient... Watership Down est cela aussi. Je vous le dis, prenez un temps pour venir farfaler dans la garenne...
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