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Critique de ithaque


Un livre formidable ; on succombera normalement dès les premières lignes à un charme d'écriture particulièrement adhésif type velcro , et ainsi de suite pendant 500 pages ensorcelantes.

Mélange de petites anecdotes qui pourraient raser, contées d'une façon moins vivante, et de tracas existentiels universels, on suit avec passion l'itinéraire d' Ifemelu, jeune Nigériane aimantée par l'Amérique comme beaucoup de sa génération.
A son arrivée là-bas, elle apprend qu'elle est noire, ce qu'on lui fait remarquer par diverses vexations , ou dans le meilleur des cas par un excès de précautions oratoires et ronds de jambes destinés à éviter tout malaise et le créant précisément. L'Amérique comme électrochoc d'identité.

L'ami cher à son coeur, Obinze, atterrira en Angleterre, pour y récurer les latrines, lui, le fin lettré épris de belle littérature .

A ce sujet, j'ai été frappée de voir que les seules références qui tournaient parmi les étudiants privilégiés nigérians (années 1990-2000 semble-t-il) sont des classiques anglais du début XXe. Ils semblent d'ailleurs aspirer exclusivement à un modèle occidental. Et pas mal de condescendance pour les moins éduqués ou ceux qui restent au pays. Avatar post-colonisation, celle des désirs ?

L'idée taraude en fin de lecture : hormis la corruption comme coutume locale florissante, que sont devenus les millénaires passés ? Ce n'était pas le sujet de l'auteur, qui s'attache aux pensées et sentiments d' Ifemelu et de tous ceux qu'elle croise ou côtoie. Un auteur n'est certes pas tenu d'être le porte-étendard de son pays. Sa charge idéologique pourfend plutôt les préjugés raciaux ultra-tenaces. Par la voix de son héroïne, Chimamanda Ngozi Adichie ferraille de la pointe de l'épée leur impact persistant sur les mentalités en Amérique.

Mais le doute m' étreint : les 2 derniers siècles ont-ils réellement fait du petit bois de la richesse culturelle passée ? N'a -t il que le modèle occidental en ligne de mire ? On a tellement envie de leur dire , arrêtez tout les gars , on s'était planté en fait !


Quelques photos réchappées du tourbillon de l'histoire esquissent un monde igbo d'antan, et donnent l'énorme envie d'en savoir plus. Qui d'autre que des ethnologues était censé s'aventurer sur ces terres, remords anachronique et naïveté sans fond je sais.


L'auteur laisse de côté aussi les violences intestines qui ont laminé le pays.
Comme tout un chacun je pense, je m'attribue allégrement un doctorat de géopolitique , notamment le dimanche matin quand sirotant un triple expresso au lit , je refais le monde en délicieuse compagnie , Gandhi et mère Térésa rageant de concert contre l'aberration criminelle des frontières plaquées au petit bonheur la chance pour satisfaire le goût du pouvoir de pathétiques despotes, ignorant tout des cultures locales millénaires. Un pouvoir de nuisance phénoménal, aux effets sismiques terrifiants à très long terme. Sans oublier l'irremplaçable collaboration des missionnaires de tout poil dans le génocide des cultures.


Tout ça me donne envie de me replonger dans la collection « Terre humaine » de chez Plon, des ethnologues buvant les paroles et les gestes de cultures d'une complexité extravagante, de cosmogonies raffinées, quels trésors !
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