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Critique de Bruidelo


Sous la plume du poète arabe Adonis, Babel devient un «soleil du désir», une invitation à permettre à son écriture toutes les ascensions. Une langue univoque ne permettrait pas la création poétique, la confusion des langues ouvre la possibilité d'inventer au moyen des mots une autre réalité.
«Pour tuer la poésie, il suffit de poser qu'il y a une correspondance absolue, parfaite entre les mots et les choses: alors la poésie n'est plus possible, puisqu'elle travaille au contraire dans la distance entre les deux. Ce que j'appelle exil, c'est cette distance entre le poète et la réalité qu'il ne reproduit pas mais qu'il produit, qu'il élabore, qu'il travaille à transformer.»
La réalité est terrible, l'Histoire est décombres, dépouilles de cadavres, le présent est «un monstre recouvert d'or et de haillons».
«Ta terre est le royaume de l'asservissement, mais toi,
tu es insoumis.
Pourras-tu le demeurer?»
L'évocation du réel a des aspects très sombres, mais le poème de Babel n'a rien de plombant. Face aux horreurs du monde, il chante le rêve, le ravissement amoureux, et l'étincelle de transgression, l'énergie rebelle qui ranime la vie vivante, il célèbre «la fête de la flamme sauvage, de la langue sauvage».
«Prends le rêve comme abri
et tisse pour ton immensité
un manteau d'amour. Puis, transgresse...»
Il y a une belle force lumineuse dans cette écriture qui a foi en son pouvoir de création et de métamorphose du réel.
«La coutume de ma voix est de créer Babel
afin que change ce temps,
afin que ce pays s'innocente.»
Pour chanter cette énergie créatrice, elle convoque le mythe biblique et des poètes arabes comme Abu Nuwas, chantre de la transgression, connu pour ses poèmes bachiques et érotiques, ainsi que la force des éléments, marée extrême, loi de la flamme, elle veut désorienter même le vent - demeurer horizon, bâtir un autre royaume, créer un autre niveau de réalité. Et les Éditions Voix d'encre ont eu l'excellente idée d'y adjoindre les dessins à l'encre de Claude Garanjoud, l'élan vital, la vibration de ses traits qui s'élancent, à la fois noirs et lumineux, qui viennent enrichir la beauté de ce recueil. La création de leur Babel est d'autant plus forte de cet alliage de deux langages différents, l'un pictural, l'autre poétique.
«Quand je parle, je ne m'exprime pas, je me projette. La poésie, l'art, sont donc un prolongement de l'existence. Par eux, je ne cherche pas à reproduire la réalité ni même à la saisir, mais à en inventer une autre qui va éclore et continuer à se déployer hors et en avant de celle dont elle vient.»
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