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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"... et le reste est la rouille et la poussière d'étoile."
(V. Nabokov)

Mon chemin vers Aïtmatov a été long, et ses livres se couvraient lentement de poussière dans la bibliothèque paternelle.
Lauréat du "Prix Lénine", sur lequel les critiques littéraires chantent les mélodies orphéennes, et cette histoire d'amitié d'un vieil homme et d'un cheval, considérée comme son Olympe littéraire... Bref, longtemps je me disais que ça ne vaudra même pas une taffe de la "papirosa Belomorkanal" éventée.
Tchinguiz, ami, je me repens !

Kirghizistan...
Le pays où les divinités terrifiantes vous regardent depuis les hauteurs des montagnes, et où la misère est la même qu'il y a cent ans. Les petits bergers y chantent des chansons sur le passé et sur la liberté avec une étrange voix de gorge, et à travers la surface d'Yssyk-Koul on peut apercevoir le centre de la Terre.

C'est dans ce monde-là, que Tanabaï Bekasov revient après la guerre, pour s'occuper de chevaux dans la montagne.
Et il rencontre Goulsary : un cheval doré, rond comme une miche de pain, pour lequel n'importe quel cavalier aguerri se laisserait mettre en pièces pendant le buzkashi. L'équidé qui marche si droit, que si on mettait un bac d'eau sur son dos, pas une seule goutte ne tomberait à côté. Personne à part Tanabaï n'a le droit de monter Goulsary.
Mais le cheval est confisqué dans la plus joyeuse camaraderie par le chef de kolkhoze, et le vieil homme reste seul. Il a bien femme et enfants, mais une partie de sa vie a disparu au loin, sur le dos de Goulsary.

L'enfer de la collectivisation, l'absurdité du régime qui veut faire croire que les poires poussent sur les pommiers - tout ça c'est du pain trop dur à avaler même pour les hommes forts de la trempe de Tanabaï. le moulin de l'époque a happé l'homme et son cheval, broyé coeur, cerveau et muscles, pour n'en laisser que des os.

Le temps passe, et Tanabaï voit le chef de kolkhoze :
" On t'a trouvé un cheval, vieux. Ses meilleures années sont passées, mais pour ton travail il est encore bon."
Tanabaï revoit Goulsary, et son coeur tremble de tristesse :
" Tu vois, nous sommes à nouveau ensemble, à nouveau nous marcherons côte à côte..."
Mais sur le chemin de retour, Tanabaï va comprendre que Goulsary est si usé qu'il ne finira jamais le trajet.

Aïtmatov est très critique envers le pays où il a vécu; le pays qui savait détruire ses gens comme aucun autre. Même si on avait peut-être tendance à les mettre tous dans le même sac, en tant que "Soviets".
C'est une histoire de deux amis qui courent au devant vers la liberté. le sous-ton est incroyablement mythique, comme si on lisait une vieille légende. La mort de Goulsary n'est pas seulement la mort d'un animal; elle met fin à la jeunesse, au bonheur et à l'espoir. le meilleur est parti, celui qui à autrefois représenté le jour comme la nuit.
Ce n'était pas un "au revoir" ordinaire, mais un dernier "adieu" à quelqu'un qui avait toute notre âme. Sans espoir d'une autre rencontre, sauf au Ciel ou dans l'Enfer, si toutefois ils existent...
Adieu cheval doré, adieu la vie, adieu Goulsary. Прощай.

Il n'y a pas longtemps, je me demandais ce que je vais lire après avoir tranché le dernier Marquez. Maintenant je sais. Je vais lire Aïtmatov.
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