AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une série consacrée au personnage d'Iron Fist. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2007, coécrits par Ed Brubaker et Matt Fraction. L'histoire principale est dessinée et encrée par David Aja. Chaque épisode comprend des retours dans le passé qui sont dessinés par des équipes différentes : Travel Foreman (dessins) & Derek Fridolds (encrage) pour 3 pages dans les épisodes 1 à 5, John Severin (dessins et encrage, 3 pages dans le numéro 2), Russ Heath (dessins et encrage, 3 pages dans les numéros 3 et 6), Sal Buscema (dessins) et Tom Palmer (encrage) pour 2 pages dans le numéro 4. Matt Hollingsworth réalise la mise en couleurs de tous les épisodes. Ce tome contient également 8 pages extraites de "Civil war: choosing sides", réalisées par Brubaker, Fraction et Aja.

-
- Civil war: choosing sides (8 pages) – Pendant quelques temps, Danny Rand a accepté de remplacer Matt Murdock en tant que Daredevil. Cet interlude montre Danny Rand dans le costume de Daredevil, et l'annonce de Jeryn Hogarth d'un contrat à signer avec des chinois (c'est-à-dire le début de la nouvelle série).

Ed Brubaker, Matt Fraction et David Aja réalisent un prologue intense qui donne une voix spécifique au personnage, un style de combat différent de celui de Daredevil, en rappelant succinctement son origine, une transition alléchante.

-
- Épisodes 1 à 6 - La séquence d'ouverture montre qu'il existait déjà un Iron Fist au Japon en 1227. de nos jours, Iron Fist (Danny Rand) se bat contre des hommes de main d'Hydra, tout en se remémorant comment il a acquis ses pouvoirs à K'un Lun, en plongeant ses mains dans le coeur du dragon Shou-Lao l'immortel. le matin même, il avait refusé de signer un contrat de joint-venture avec le consortium chinois Wai-Go, contre l'avis de Jeryn Hogarth.

Par la suite, Danny Rand constate qu'il y a des fluctuations dans le pouvoir auquel il fait appel pour concentrer son énergie dans son poing. Son enquête sur les agissements d'Hydra va le mener face à Davos (le fils de Lei-Kung) qui a lui aussi plongé ses mains dans le coeur de Shou-Lao.

Ed Brubaker et Matt Fraction racontent leur histoire de telle manière qu'une connaissance superficielle d'Iron Fist suffit pour comprendre les enjeux du récit. Pour les plus curieux, il est possible de relire les épisodes de Chris Claremont et John Byrne dans Marvel Masterworks: Iron Fist - Volume 2 (en anglais).

Dès le départ, Brubaker & Fraction montrent qu'ils ne vont pas se contenter de sortir un nouvel opposant chaque mois, pour combattre contre Iron Fist, mais qu'ils vont l'inscrire dans une lignée. Dès le départ, David Aja montre qu'il ne va pas reproduire les stéréotypes propres aux comics de superhéros.

La séquence d'ouverture de Travel Foreman en 1227 est sympathique, mais manque un peu de substance par rapport à des mangas historiques de même nature. Par contre dès la page 4, le lecteur plonge dans un univers visuel singulier et très immersif. David Aja et Matt Hollingsworth ont conçu ensemble le schéma chromatique, assez sombre, qui privilégie les ambiances nocturnes et des couleurs foncées. Ils parviennent ainsi à gommer l'aspect trop superhéros du costume d'Iron Fist en ternissant le jaune de son masque, du dragon sur sa poitrine et de ses chaussons.

Aja déplace la nature du récit, du comics de superhéros vers une BD entre polar urbain et film de kung-fu. Il décrit une réalité dans laquelle un individu doué en arts martiaux, bondit de toit en toit en réalisant des acrobaties, et se bat contre des organisations tentaculaires, soit la nuit à l'insu des gens normaux, soit dans des endroits délaissés cachés en plein de la ville.

David Aja découpe ses planches en cases rectangulaires bien sages, mais en adaptant le nombre de cases à chaque action. Il peut ainsi montrer un déplacement sur une page en 4 cases, puis accélérer l'action sur une page en 10 cases. Il représente les décors avec une belle régularité, et avec une approche réaliste, sans être obsessionnelle, avec un encrage rendant bien compte des zones d'ombre. Aja ne chorégraphie pas les combats pour qu'ils ressemblent à un ballet, ou pour donner une leçon d'enchaînement de postures de kung-fu. Toutefois, les mouvements d'Iron Fist et de ses opposants s'inscrivent bien dans un lieu avec son aménagement propre qui a une incidence sur leurs déplacements (= ils ne s'agitent pas en tout sens sur une scène vide).

Par rapport à cette approche graphique réfléchie et construite, les dessins de Travel Forman apparaissent plus fades, même s'ils réussissent à transporter le lecteur dans l'époque considérée. John Severin et Russ Heath se démarquent tout autant de David Aja, mais l'apparence rétro de leurs dessins traduit mieux le temps passé de ces séquences. Les 2 pages de Sal Buscema rappellent l'ordinaire des comics de superhéros des années 1970, avec des dessins un peu trop simples et une esthétique trop superhéros.

Le scénario bénéficie donc d'une mise en images savoureuse et en phase avec l'intrigue, qui permet aux personnages de s'incarner et aux situations d'être crédibles. Brubaker et Fraction mélangent avec astuce une enquête sur les activités illégales de la multinationale chinoise, société secrète (Hydra, un peu trop générique), film de kung-fu, et une revanche contre Daniel Rand.

L'idée d'intégrer Daniel Rand dans une lignée d'Iron Fist permet de donner plus d'envergure et de légitimité au personnage, mais les auteurs ne disposent pas de la place nécessaire pour vraiment la développer. L'enquête sur l'entreprise Wai-Go dérive rapidement vers Hydra et Davos, oubliant l'OPA agressive sur l'entreprise Rand, en cours de route. Les influences kung-fu se limitent aux combats, et à des femmes se transformant en grues (l'oiseau) après avoir cédé leur énergie à Davos. La vengeance de ce dernier se comprend mieux si le lecteur connaît déjà l'histoire d'Iron Fist.

Néanmoins ces épisodes se lisent d'une traite car le récit est mené à un rythme soutenu, avec de nombreuses péripéties, et une utilisation sophistiquée des flashbacks. Les personnages se comportent en adultes, avec des relations débarrassées de naïveté ou d'altruisme outrancier. le lecteur attentif peut même déceler quelques pointes d'humour discrète, de type second degré. Par exemple, quand Danny Rand se bat contre une armée de soldats d'Hydra (tous inefficaces), il emploie 8 attaques différentes aux noms singeant le vocabulaire fleuri des arts martiaux, pour des appellations ironiques.

Ce premier tome de cette version d'Iron Fist plonge le lecteur dans un environnement d'une grande cohérence visuelle et narrative, pour ouvrir l'horizon de ce personnage, en le ramenant vers des séquences d'action qui relèvent plus des arts martiaux que des superhéros. le résultat est original et plein de personnalité, même si la promesse principale de l'intrigue (la lignée des Iron Fist) reste peu développée.
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}