J'essaie de retrouver le moment où jaillit le projet de départ pour creuser son chemin petit à petit pendant des années et devenir une partie de ma vie. J'essaie, mais les fils s'emmêlent. Pourquoi partirais-je alors que les autres restent ? Je ne veux pas parvenir à la réponse. Les prémisses ne retiennent pas mon attention. Seul le résultat m'entraîne en avant, me pousse à partir.
Comme un appel qui serait né avec moi et auquel je n'aurais pas essayé d'échapper. Je n'ai pas cherché à me boucher les oreilles pour ignorer son invitation. Comme si l'appel avait réuni toutes les questions pour les lancer au vent derrière moi et me pousser vers le bord d'un gouffre.
Toutes les réponses possibles ne changent rien. J'écoute cet appel et saisis une seul chose : je n'ai pas de vie ici. Je dois partir ou mourir. L'équation est claire et simple. Je m'en suis convaincue.
J'ai chois de vivre loin et j'ai fui la mort.
J'ai choisi ?
Nous nous réfugions dans certains mots comme le naufragé se jette dans la bouche de la baleine pour ne pas se noyer.
La Syrie aussi est un pays blessé?C'est amusant. Il faut que la blessure soit sur la scène et que le sang recouvre le théatre pour que le spectateur s'y intéressent.
Lors de ses périples, il avait une folle envie de rentrer.Après son retour, son désir de voyage le rendait fou. Il soigna sa nostalgie du pays natal en revenant, et sa nostalgue des voyages en les racontant. (La narratrice à propos de Sindbad le Marin)
Je devais partir pour être l'étrangère. Pour arriver à ce déplacement manifeste qui seul pouvait renouer mes liens avec là-bas. Je suis de là-bas. C'est seulement ici que je peux être de là-bas. Que je suis l'étrangère venue de loin, de là-bas. Que j'ose sentir ici ce qui me lie à là-bas.
Je regarde, j'écoute, j'enregistre pour aussitôt inventer des histoires que je cache dans une poche secrète comme une mère kangourou.
Peut-on donner à ses enfants une patrie qui n'est pas la sienne?
Il était une fois un passé effacé.
On dit que l'homme et la femme se différenciaient par la mémoire: la femme se rappelle, l'homme oublie. Le dicton sonne bien et peut-être répété comme une maxime universelle, mais je sais qu'il est vide de sens comme tous ces mythes et classement stupide.
Je suis née à la croisée des histoires de ma mère et de mon père. Quiconque nait à une intersection n'a pas de place pour lui.