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Critique de berni_29


À la faveur du confinement que nous vivons actuellement, je me suis laissé cheminer vers un classique de la littérature française, Le Grand Meaulnes. Je vous avoue que ce livre m'avait résisté à l'adolescence, lu je crois me rappeler en classe de quatrième, ou peut-être plus tard, je ne sais plus. Je l'avais trouvé totalement incompréhensible. Mais quelle idiotie ont nos enseignants, ou plutôt ceux qui font les programmes, de confier la lecture cet ouvrage auprès de jeunes lycéens, au prétexte qu'il met en scène des adolescents... ! Ce roman est magnifique et surtout il ne faut pas le lire avant un certain âge... Surtout pas à l'âge de la jeunesse...
Comment en parler ? Surtout ne pas le décrire, impossible d'ailleurs. Alors, comment pourrais-je dire les mots qu'il m'inspire ?
Tout d'abord, selon la manière dont on aborde aujourd'hui ce roman, on s'emporte dans sa vague ou bien on le lâche et on le jette dès les premières pages. Tout est question de la porte par laquelle on y entre...
Je voudrais vous en parler par le chemin que j'ai entrepris, celui de l'enchantement et de l'allégorie. Je ne sais pas si c'est le meilleur chemin, c'est en tous cas celui qui m'a permis d'aimer ce livre.
J'y suis entré par les pages et brusquement j'y suis entré d'une autre manière, par les chemins qu'empruntent François Seurel et Augustin Meaulnes pour retrouver les traces d'un pays perdu, celui du domaine des Sablonnières...
Je comprends mieux pourquoi il faut attendre de lire ce livre. Il incarne sans doute quelque chose de nous-même, quelque chose que nous avons perdu, une certaine nostalgie de l'école, l'odeur de la craie, les tableaux noirs, l'encre qu'on versait dans de petits réceptacles en porcelaine au bord de nos pupitres... Je me souviens de ce temps de l'école primaire, je suis ceux qui ont vu cette métamorphose, le passage du repos du jeudi à celui du mercredi, j'avais dix ans, je me souviens comme si c'était hier...
Mais voilà, Le Grand Meaulnes, c'est cela et bien autre chose de plus grand, de plus dévastateur. C'est l'histoire d'un deuil, quelque chose de douloureux, quelque chose qui s'en va, que nous avons perdu.
Écrit à la veille de la première guerre mondiale, Le Grand Meaulnes est une histoire qui démarre à la fin du siècle dernier, dans les paysages de la Sologne, mais cela n'a aucune importance, son mystère est ailleurs, dans un autre temps, dans un autre pays. Peut-être faut-il le chercher à un autre endroit ? Ou bien l'oublier ?
Nulle part ailleurs, ce roman est intemporel... Chaque histoire qui est la nôtre porte une cicatrice, un interstice d'où surgit un pays perdu qui ressemble à celui évoqué dans le Grand Meaulnes...
Est-ce un rêve, est-ce nos rêves ? Est-ce l'idée d'un premier amour, l'idée d'un amour à peine entrevu en la personne d'Yvonne de Galais ? La perte de l'enfance ? Ou bien une quête de l'absolu ? Ce pays perdu réside peut-être simplement dans notre coeur...
Est-ce la fin de l'enfance, la fin d'un monde, mais quel monde ? La fin de ce qui est possible peut-être... Peut-être ce roman porte-il déjà comme une prémonition ce qui viendra plus tard, la guerre, l'horreur, la mort, celle de l'auteur, le silence sous les bombes...
J'ai aimé ce roman avec son atmosphère onirique, magique, j’ai aimé cette fête étrange sortie tout droit d’un conte de fées... J’ai été envoûté par la présence de ces enfants déguisés qui déambulent dans ce manoir délabré. On croirait voir venir à nous des clowns tristes. Après, ce n’est qu’un long étirement vers la mélancolie des jours sans fin...
Je ne me suis pas laissé prendre au piège tendu où d'autres sont peut-être tombés. Je me suis juste écarté au moment propice pour laisser la magie poursuivre son travail en moi...
J'ai aimé son ambiance, son atmosphère, sa nostalgie, bien que je n'aime pas forcément en temps ordinaire ce sentiment, mais ici voilà que ce sentiment nous emporte comme la fin d'un monde, le bord d'un désastre, les prémices de la guerre, ce qu'il y avait avant. L'adolescence de ce livre ressemble à cela. Le temps d'un désastre. L'adolescence est souvent le temps d'un désastre, mais l'adolescence qui précède la guerre, que faut-il en penser, d'autant plus que ce livre fut écrit avant cette guerre et que nous le lisons bien après... ?
J'ai aimé ce roman comme un paradis perdu... J'ai aimé m'y perdre...
J'ai aimé ce roman avec ses tâtonnements, ses errances parmi les ronces et les branches... Il scelle définitivement une impossibilité de revenir à l'enfance, mais nous en livre l'écho d'avant comme une délivrance face à cette punition... Et c'est tout simplement beau. Mélancolique. Cruel aussi...
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