Mettre son nez dans la marmite des autres pour voir ce qui s'y mijote, et leur dispenser des conseils, c'est une habitude juive.
P. 560
Les étoiles ne tombent pas, elles vagabondent...
On le sait, l'entrée au paradis n'est pas chose facile : il faut tout d'abord se purifier en franchissant les sept degrés de l'enfer. Il en va de même, pardon de la comparaison, pour le Paradis céleste de l'au-delà et pour le paradis d'ici-bas, j'ai nommé l'Amérique. Leurs portes ne sont pas ouvertes à tous, et l'entrée n'en est pas permise à chacun.
P. 398
Le monde est une armée qui part pour la guerre. Une armée tout entière ne va pas s'arrêter si l'un de ses soldats tombe en chemin. Celui qui tombe a le choix : si Dieu lui en donne la force, il se relèvera, sinon, on l'ignorera. Il sera foulé aux pieds, écrasé par les bottes et les brodequins, sans que cela éveille même le chant d'un coq. C'est vrai, c'est assez triste.
Mais qu'est-ce qu'on y peut ? Aujourd'hui, dit-on, partout, même à Paris, ce sont les plus jolies qui prennent les plus grands rôles. Voilà ce que le monde est devenu. Rien à y faire.
- Je te souhaite autant d'aphtes sur la langue qu'il y a eu de petits trous dans tous les pains azymes que les juifs ont faits depuis qu'ils sont sortis d'Égypte, espèce de bâtard !...
P. 291
Il lui explique donc comment les étoiles vagabondent. Il le sait lui, il étudie au "kheyder". L'histoire des étoiles est la suivante : chaque étoile est l'âme d'une personne. Là où va l'âme, là va aussi la personne. C'est pourquoi il nous semble que les étoiles tombent.
- Mais les étoiles ne tombent pas, les étoiles vagabondent, lui dit encore Leybl, les yeux plongés dans la profondeur du ciel qui progressivement se purifie de son rougeoiement.
P. 110 & 111
- Et alors, et Hotzmakh ?
Et chaque fois j'obtenais la même réponse :
- Hotzmakh, c'est comme s'il était mort et enterré.
Mais un jour, Brayndelè la Cosaque laissa échapper qu'elle avait entendu dire par un acteur yiddish, qui lui-même l'avait entendu dire par quelqu'un d'autre, un acteur yiddish lui-aussi, qu'il avait aperçu Hotzmakh avec un tout jeune homme, se promenant en voiture dans Bucarest.
[…]
Mme Tcherniak, celle que l'on appelle Brayndelè la Cosaque, dit qu'en fait, grâce à Dieu, Shtupak n'a pas deux femmes, mais trois… Bref, on l'informe qu'une personne demande à le voir personnellement, il s'affole et se met à chercher son conseiller :
- Sholem-Meyer ! Où est-il fourré, ce choléra de Sholem-Meyer ?
La « personne », apparemment, n'a pas pu attendre davantage et débarque dans les coulisses où tous les deux, en se voyant, se sautent au cou :
Stelmakh !...
Shtupak !...
Au même moment accourt l'enroué, et pour tous les trois, c'est une embrassade, une liesse, une vraie fête. Des frères de sang qui se seraient perdus de vue pendant une vingtaine d'années ne se réjouiraient pas autant que ces trois-là. C'est tout juste si la « personne », celui qu'on appelle Stelmakh, n'en fond pas de plaisir comme neige au soleil, d'avoir l'honneur de revoir Shtupak et son bras droit, Sholem-Meyer Murawtchik l'enroué.
Un petit juif court sur pattes, noiraud, poilu, déjà d'un certain âge, mais bien enveloppé, avec un petit ventre rond, un visage net, des petits yeux larmoyants, et un sourire très très mielleux qui envahit complétement son visage en permanence, (on dirait que cet homme-là est content de lui, de Dieu, de l'humanité et du monde tout entier) – voilà le portait du personnage que l'on nomme Stelmakh. Il possède une qualité : il ne joue pas les grands seigneurs. Bien qu'il dise lui-même - que le mauvais œil s'écarte - que tout va bien pour lui (page 312 et 313).
L'Amérique, c'est le pays du "hurry up", du bizness, de l'agitation et de la précipitation.
P. 481
Il y a une règle qui veut que plus une personne est instruite, plus elle se considère comme une personne ordinaire.
P. 244