Citations sur Mes nuits avec Iggy (22)
Elle aurait tant aimé que tout se passe autrement, mais elle n’avait jamais bien compris la détresse d’Iris. Et puis la vie, le travail, les enfants, Bérénice l’avait
abandonnée. C’était comme ça qu’elle voyait les choses à présent. Ces dernières bheures, elle n’avait eu de cesse de se repasser le film. Ses regards, ses colères, ses silences, ses non-dits. C’était comme si elle venait tout juste de comprendre qui était sa
sœur, ses rêves et ses envies.
On sentait l’âme triste, torturée, abîmée par la vie et
méticuleusement dissimulée derrière une zpparence impeccable, chic et surtout sous contrôle. Ultra maîtrisée. Le genre de personne à ne rien laisser au hasard de peur d’être démasquée.
Certainement une sensibilité à fleur de peau comme Iris, songea Bérénice. Ou bien une sorte de
dandy. Puis elle remarqua l’instrument de musique posé
à ses pieds. Un violon, probablement, étant donné
la forme et la taille de l’étui.
Pour tromper son angoisse, elle fit quelques pas en long et en large dans le couloir avant de se résoudre à prendre place sur une chaise. Elle fouilla nerveusement dans son sac d’où elle tira son smartphone sur lequel elle pianota quelques messages. Ce n’est que lorsqu’elle se pencha à
nouveau vers son cabas que Bérénice nota la présence
du type assis face à elle. Un homme au physique assez
singulier affichant un calme apparent et d’une immobilité
quasi surnaturelle.
La brutalité de l’accident avait ravivé en lui un douloureux souvenir qu’il avait jusque-là cru
à jamais enfoui au plus profond de son être. Il avait eu tort. La cicatrice fermée des années auparavant semblait s’être subitement rouverte et la plaie était và nouveau à vif. Rouge, suintante, et éminemment
douloureuse comme elle l’était si longtemps restée avant qu’il ne parvienne à la dompter. Mais il refusait d’y penser.
Soucieux de son image pour une raison qu’il refusait d’admettre, il s’était ensuite rasé de près, coiffé et parfumé comme s’il
s’apprêtait à honorer un rendez-vous galant, avant de courir se noyer dans la cohue du métro matinal en direction de la Salpêtrière. Il n’avait eu aucune nouvelle.
C’était l’obscurité qui l’attirait. La lueur faiblissait très vite et elle se sentit basculer vers l’abîme.
Sa tête. Oui maintenant c’était sa tête. Elle brûlait. Elle était devenue semblable à une de ces marmites dans lesquelles on plonge une multitude d’ingrédients pour la préparation d’un ragoût. Mais le feu était
trop puissant. La tension trop forte. Tout allait cramer.
Il était resté si jeune alors que
son visage à elle, éprouvé par de longues années d’errance et de désillusion, était marqué par l’usure du temps à laquelle Alex avait échappé.
Désormais, trente années les séparaient et Iris doutait de la possibilité d’un avenir commun.
D’ailleurs, elle n’était pas certaine que la notion même d’avenir perdurait dans le monde d’Alex.
De temps à autre, elle était tentée de le croire et de se jeter à l’eau, mais l’autre rive ne semblait pas prête à la lâcher. Iris se sentait
retenue du côté des hommes et des femmes vêtus de blanc et de vert où tout n’était que douleur. Le plus insupportable étant sans doute le bruit.
Quelques personnes l’affublaient encore de bce sordide surnom de « boiteux », mais rares étaient ceux qui se contentaient de l’appeler par son prénom. D’ailleurs, quand il fouillait dans ses souvenirs, la dernière personne qu’il entendait
prononcer ce doux prénom d’Igor qu’il portait avec gierté était celle qui l’avait choisi : sa vmère.
Son btrouble était perceptible et il ne voulait croiser personne
avant d’avoir repris le contrôle de ses émotions. Il s’installa face au miroir et, son visage entre les mains, fixa longuement son reflet dans la glace. En trente-cinq ans decarrière, c’était bien la première fois qu’il se sentait si désemparé avant un concert.
Même à ses débuts il avait su faire preuve de
davantage de maîtrise.