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Critique de AlexLiernais


Sur la jaquette du livre on peut lire : «Une contrée qui ressemble au Chili, du début de ce siècle à son actualité la plus brutale. La chronique de ce pays est retracée à travers une dynastie familiale. Il y a Esteban Truba (sic), parti de rien, propriétaire terrien et sénateur musclé, potentat familial ; Clara, son épouse, hypersensible et extralucide, confidente des esprits qui hante leur grande maison ; les enfants légitimes et naturels d'Esteban, les rejetons de ceux-ci et de ceux-là, dont les destins s'entrecroisent dans les jeux de l'amour et du hasard, les vestiges de la révolte et des passions clandestines. Entre les différentes générations, à tous les niveaux de l'échelle sociale, se nouent et se dénouent des relations marquées par l'absolu de l'amour, la familiarité de la mort, la folie douce ou bestiale des uns et des autres, qui reflètent les vicissitudes d'un pays passé des traditions rurales aux affrontements fratricides. Un roman qui, par son inspiration, son architecture, sa prose tantôt enchantée, tantôt mordante, est à inscrire parmi les révélations de la littérature latino-américaine d'aujourd'hui.» Texte qui correspond aux lois du genre, mais qui est bien tapé.
Quelques indications sur l'histoire. Esteban Trueba se propose d'épouser Rosa del Valle, Rosa la belle. Ils se fiancent et Esteban part deux ans travailler dans les mines où il finira par découvrir un bon filon. Il revient pour apprendre que Rosa est morte empoisonnée (c'était en fait le père del Valle, lancé en politique qui était visé). Esteban quitte alors sa soeur Férula qui s'occupe de leur mère gravement malade pour remettre sur pied un domaine, les Trois Maria, dont il devient le patron intransigeant. Il culbute d'ailleurs à qui mieux mieux tout ce qui porte jupon et engrosse la fille de son régisseur (Pedro Garcia) qui donnera naissance à un Esteban Garcia.
Esteban épousera Clara, la soeur de Rosa, de laquelle il aura les jumeaux Jaime et Nicolas et Blanca. Une passion inaltérable va unir dès leur enfance Blanca et Pedro III Garcia aux Trois Maria, passion à laquelle Trueba s'opposera toujours, finissant par marier sa fille alors enceinte d'Alba à un certain Jean de Satigny. Pedro III est un artiste, chanteur, qui prêche la révolution et finira ministre du Président. Il perdra par ailleurs trois doigts lors d'une rixe avec Esteban.
Esteban se lance dans la politique, il devient un sénateur conservateur des plus durs, adversaire implacable de tout communisme. La famille réside alors à la Maison du coin, délaissant les Trois Maria. Cette maison est peuplée d'une foule d'originaux adeptes des pratiques de spiritisme de Clara.
Nicolas vit une vie quelque peu désordonnée sans grands objectifs, tandis que son frère Jaime, médecin, se dévoue corps et âmes pour les plus démunis. Il deviendra un ami du Président et fréquente Miguel, frère d'Amanda -amie de Nicolas dont Jaime sera un moment platoniquement amoureux-, qui prône la révolution par la violence.
le coup d'état de septembre 73 surprend tous ses personnages et le livre se termine sur Alba, la narratrice qui a reconstitué l'histoire grâce notamment aux notes que sa grand-mère Clara prenait dans des cahiers.
Ceci constitue un résumé honteux de l'histoire, mais il à pour but de me permettre de ne pas oublier les grandes lignes. on pourrait aussi évoquer la pute Tránsito Soto qui traverse tout le récit et qui joue un rôle important dans la libération d'Alba à la fin.
Tout ceci pour dire que le livre est vraiment assurément génial. L'écriture est extraordinaire : mot juste, métaphore pétillante, construction syntaxique alléchante. Surtout, humour, gravité se côtoient donnant une crédibilité au récit qui lui-même n'a pas l'air d'en vouloir tellement certaines situations sont farfelues : comment croire aux inventions de l'oncle Marcos en début de récit ? Comment pouvoir croire aux salières qui se déplacent ? Néanmoins, on marche, et on marche peut-être pour cela : le texte se montrant explicitement comme fiction, permet de faire passer les idées sans peser.
Par ailleurs, rien n'est daté ; on ne cite pas le Chili. On dit le Président, alors qu'il s'agit d'Allende ; on parle du Poète pour Pablo Neruda.
Il s'agit aussi d'une fresque sociale qui permet de comprendre les positions en présence lorsqu'il s'agit de la démocratisation d'un pays. A ce propos, sont intéressantes les quelques interventions en «je» de Esteban Trueba qui par ailleurs est un personnage infâme et violent, mais dont l'expression du point de vue permet de comprendre une certaine classe ou une certaine forme de pensée. Par exemple, son obsession anti-marxiste le pousse à soutenir le coup d'état dans la mesure où il croit sincèrement que c'est un bien pour le pays, avant de se rendre compte que les militaires vont trop loin. de même, il est convaincu de l'incapacité et de l'ignorance des paysans et affirme avec force que s'il n'était pas là, il n'y aurait jamais rien eu pour eux, ce qui, si l'on s'accorde à sa logique peut s'avérer cohérent. On comprend comment une dérive de classe est facile. Bref, bref et rebref, génial. Fort. Un livre à avoir lu.
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