VOYAGEUR…
Voyageur devant les arbres sans voyages
Leurs mains étales et leur patience offertes
Pendant ces soirs plus ronds que des sanglots sans mots
Parmi les ombres blanches
Où le temps stagne avant la nuit
Voyageur, voyageur, tu ne sais pas ce que tu cherches
Et dans le jour finissant
Je me suis mise à regarder comme toi les mains étales
Mains de femmes gravides et mains d’arbres
Un abîme ordinaire jouxtant la plaine et nos ordres de vie.
(La plante modeste, dite saxifrage, a des racines qui ont
le pouvoir de déliter certaines pierres pour chercher leur
nourriture : signe d’ardeur à vivre.)
Voici le temps du face à face, si nu qu’on lui cherchera
des rides en guise d’anse ! Transparence, ô vérité noire !
Cette justice a les lèvres insensibles et bien que la chair
soit plus jeune que la tête, tu devras en écrire sur la vitre
de l’air.
*
LE PAYS MUSICIEN
L’énigme est une roue céleste qui se laisse traverser sans
se résoudre et le temps la reçoit sans y toucher, tel un
vent léger faisant filer les herbes lisses.
VIE SAXIFRAGE /Extrait
Le premier devoir était d’accéder aux vestiges d’années fortes, carrures géantes sous le ciel cru. Puis quand déclinerait l’ardeur insinuée entre la roche et le cri trop léger de l’été, de renouer cette gloire dans son propre baluchon, pour le porter à demain et rentrer dans la ville.
Toi que je cerne déjà d’espace, ne me dis pas que j’ai touché au vide !
J’aimais notre matière de corps, de roc, de tête et de lumière, et notre matière d’âme faite pour garder les mains pleines.
Qui n’est pas nu entre la vie et la mort conjuguée dans cette obsédante pureté que le vent laisse en partant ?