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Critique de boudicca


« Je ne boirai plus jamais une goutte ! » Combien de fois Jonathan A. se l'est répété, cette phrase. Mais chaque fois la dépendance est plus forte et le fait replonger. Il faut dire aussi que le personnage, alter-égo fictif de l'auteur, n'a pas franchement eu de chance dans la vie. Il y a d'abord la rupture de son amitié avec Sal, son ami d'enfance avec lequel il entretenait pourtant une relation presque fusionnelle. Et puis il y a la disparition tragique de ses parents dans un accident de voiture, une déception amoureuse plus difficile à digérer que les autres, une carrière qui stagne... : autant de facteurs qui le poussent jour après jour à continuer à boire, quant bien même l'alcool le rend systématiquement malade. D'abord consommée pour se désinhiber et avoir l'air « cool » aux yeux de ses camarades, la boisson devient au fil des années un moyen de se détacher de ses problèmes, de les mettre de côté le temps de l'ivresse. Jonathan Ames décrit avec justesse le processus autodestructeur enclenché par cet homme incapable de remonter la pente et de mettre un frein à ses pulsions morbides. le récit est volontiers cru, le narrateur n'hésitant pas à revenir sur des épisodes particulièrement embarrassants de son parcours et qui sont loin de le mettre en valeur : des expériences sexuelles médiocres, des black-out au terme desquels il se retrouve dans des situations qu'il juge honteuse, des occasion ratées d'avouer ses sentiments à ses proches...

Si le personnage porte sur lui-même un regard très dur, le roman laisse de côté toute idée de jugement de valeur : Jonathan A. se juge lâche, faible, peu attractif mais tout ce que voit le lecteur c'est un homme malheureux et surtout profondément seul. Une solitude qui, évidemment, ne fait que renforcer son addiction, malgré son désir de se confier : combien de fois espère-t-il au cours de son adolescence que ses parents se rendent compte que quelque chose cloche ? Combien de fois croit-t-il s'en être enfin sorti avant de replonger aussi sec en mêlant cette fois à l'alcool drogue et sexe ? Bien que l'auteur ait clairement affirmé que le récit n'était pas autobiographique (malgré la similitude entre le nom du héros et le sien), on sent bien que certains événements ou réactions sont de l'ordre du vécu. C'est le cas notamment de tout ce qui touche aux attentats du 11 septembre qui bouleversent complètement le protagoniste et le laissent encore plus seul et désespéré qu'avant. Si l'ouvrage marque autant le lecteur, c'est aussi en grande partie grâce aux graphismes en noir et blanc de Dean Haspiel qui a parfaitement su retranscrire par ses dessins l'émotion qui ne manque pas de saisir le lecteur à la lecture du témoignage de ce Jonathan A. Les deux artistes avaient déjà collaboré et cela se ressent : le duo fonctionne à merveille, les graphismes pleins de sobriété de Haspiel se mêlant parfaitement au ridicule ou au tragique des événements relatés par la plume incisive d'Ames.

Avec « Alcoolique », Jonathan Ames signe un roman graphique touchant dans lequel il met en scène son double littéraire se débattant avec une tenace addiction à la bouteille. Malgré l'humour et la dérision dont fait preuve le narrateur tout au long du récit, le lecteur ne s'y trompe pas : les confessions de cet alcoolique en mal d'amour n'ont rien de drôles et mettent au contraire le doigt sur la solitude et la détresse des victimes de cette addiction.
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