AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Herve-Lionel


N°435– Juin 2010
PUISQU'IL EST CE SILENCEJacques Ancet – Éditions Lettres Vives.

Le poète, essayiste, linguiste, traducteur de l'Ancien Testament, théoricien du langage poétique, Henri Meschonnic est mort en avril 2009 à l'âge de 76 ans. Il fut aussi un polémiste, suscitant de vifs débats dans le monde littéraire. Ses prises de positions autant de ses écrits de création étaient des moments forts. Autant dire que le personnage ne pouvait laisser indifférent. Ce recueil de textes lui est dédié.

Il est l'absent, mais un absent bien présent quand même (« On l'entend. Il parle. Dans le silence. Puisqu'il est ce silence. Sans lèvres, il parle » - « On le sent glisser, reculer, se retirer »). L'auteur sent sa permanence dans la nature, partout (« Il est dans le marronnier monté plus haut que le ciel, dans les deux filles qui passent, dans le bougé des ombres, le roucoulement des pigeons. ». « On le cherche dans le foisonnement de l'herbe, le frissonnement des feuillages, la face noire de la montagne. ».

Il a d'abord été une voix, à la fois forte, pertinente, éclairante (« Combien sa voix portait celle qu'on a parfois. Combien elle la rendait plus nette, plus sûre. »), une voix porteuse d'un message, permanente malgré l'absence (« On se dit que c'est dans sa voix plus encore, parce qu'elle est là, toujours, quelque part entre mémoire et jour gris, dans cette force silencieuse qu'on sent si proche, comme une brusque éclaircie »), une voix omniprésente malgré tout, faite de couleurs, de vibrations (« Sa voix ressemble aux traînées jaunes sur les champs. Elle est partout, dans les trilles du merle, le grésillement des feuilles. Dans l'air qui passe, dans l'odeur de la terre, le voyage de la lumière. »)
Il était aussi silence, parce que les mots appellent leur contraire, la réflexion, la méditation, le recul nécessaire face au monde (« Son silence roulait devant lui, sa boule de langage où se mêlent plissements hercyniens, décharges, crépuscules, douleur et cet imperceptible où il posait l'oreille. », il est maintenant entré dans un autre silence et on souhaite que les mots, ceux que les autres forment pour lui, en sa mémoire, l'y accompagnent...

Malgré la mort, il est aussi un sourire (« Dans l'impossible retour, dans l'impossible demain, juste là, au bord, sur le fil du présent, il sourit, il vacille, il sourit. »), un visage qui s'est imprimé dans notre mémoire (« Je fais visage de tout, dit-il. »), une vie arrêtée (« Il est dans un instant suspendu, un élan arrêté »), un rire aussi (« On entend son rire comme une grésillement, une écume brève. »), un rire qu'on entendra toujours (« Son rire scintillera dans la flaque de soleil, passera de fleur en fleur, d'aile en aile. »). Il est la complicité avec sa femme, par amour (« Quand on dit lui, on les voit tous les deux... L'écriture continue l'amour, dit-il. »

Mais ceux qu'on aime restent ici malgré tout. Lui est encore là, obstinément présent « On le voit, petit poucet perdu dans la forêt des jours qui sème devant lui les petites cailloux de ses paroles. ». Malgré la souffrance du corps, il reste une voix « Elle dit ce qui passe et demeure », une présence, un sourire et sa présence à lui rayonnait. L'auteur file la métaphore pour montrer combien sa présence était rassurante, apaisante : «  Tout autour ses cheveux faisaient un soleil blanc. On y voyait mieux. ».

En guise de conclusion l'auteur note :« On se dit qu'on pourrait peut-être le rejoindre, avoir ses paroles dans la bouche et passer avec lui de vie en vie, de monde en monde. »




Hervé GAUTIER – Juin 2010.http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}