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Critique de MarioIncandenza


Tout se passe dans la cellule d'une prison politique. Un vieux prisonnier en accueille un nouveau, pour lui transmettre les récits qui lui seront nécessaires au cas où la Révolution adviendrait. Ensemble, ils les commentent et les analysent. La Catacombe de Molussie est l'histoire de ceux qui tentent de comprendre les histoires qu'ils inventent, et d'en inventer de meilleures jusqu'à ce que la Révolution ne puisse plus ne pas avoir lieu.

Pour la plupart, les mythes fondateurs des deux prisonniers, très inventifs, drôles, cruels, décrivent la perversité politique, et la façon dont la vérité se confond avec le mensonge (où le vrai devient un moment du faux, comme écrivait Debord). Günther Anders n'a pas peur de parler de vérité. Il ne craint pas non plus de désigner des adversaires, ayant lu Mein Kampf avant tout le monde et l'ayant pris au sérieux (au contraire de Brecht, son ami, par exemple, qui ne voyait en lui qu'un "barbouilleur").
Le propre des romans philosophiques est d'exercer l'esprit à identifier ce que, jusqu'à présent, par convention, il ignorait. Celui de Günther Anders nous donne à voir les mécanismes de divisions et d'exclusions animant toute politique non-marxiste, à l'aide d'un imaginaire qu'on pourrait qualifier de kafkaïen (on pense parfois à La Colonie Pénitentiaire).

C'est aussi un roman sur la façon dont les histoires s'inventent, se donnent, s'échangent et se transforment, sur l'utilité de la fiction, la pertinence des débuts et la nécessité des fins, et l'amitié si particulière qui naît entre deux personnes qui partagent un récit.
Ce qui est le plus ambigü, et donc le plus vivant, c'est la fonction du récit molussien pour les prisonniers Olo et Yegussa : est-il émancipateur, ou bien structure-t-il le néant auquel ils sont condamnés ? N'est-ce pas le roman lui-même qui permet au monde de se maintenir tel qu'il est ? En ce sens, La Catacombe de Molussie contient sa propre critique, et c'est pourquoi il est véritablement révolutionnaire. Une fois qu'on l'a lu, on n'attend pas la suite, on veut simplement que le monde change.

(D'après la postface, le manuscrit de ce roman a été caché par l'auteur dans un fumoir pendant la seconde guerre mondiale, et n'a pu être sauvé que grâce à l'opiniâtreté de Hannah Arendt. L'auteur écrit que le texte a senti le jambon fumé longtemps après la guerre.)
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