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Critique de Alfaric


De l'immense auteur SFFF Poul Anderson je n'ai lu que "Roma Mater" (série qui n'est toujours éditée en entier en VF, une honte pour les éditeurs concernés !) et "La Patrouille du temps", (une des rares séries de l'auteur a avoir été éditée en entier...) pourtant j'ai immédiatement cerné l'auteur : il met tellement de lui-même dans ses créations que ses personnages sont peu prou un extension de lui-même quand ils ne lorgnent pas carrément du côté de ses bons vieux Gary Stu... Poul Anderson était un fils d'immigré scandinave qui vécu 10 ans au Texas avant que sa mère ne le ramène en Europe puis ne le rapatrie en Amérique pour cause de WWII, dans un middle-west conservateur, pour ne pas dire fondamentaliste (voire carrément christianiste !). Au contraire d'un Robert A. Heinlein qui faisait un peu la même chose avec ses personnages principaux mais en ayant rompu définitivement avec le milieu dont il était issu, Poul Anderson savant et croyant a toujours été un individu partagé entre deux cultures et deux visions du monde, et cela se ressent dans sa production prolifique tantôt hardcore reader tantôt easy reader, tantôt résolument Science-Fiction (il a été membre éminent Science Fiction and Fantasy Writers of America), tantôt résolument Fantasy (il a été membre éminent de Swordsmen and Sorcerers' Guild of America)... Toutefois l'auteur n'a jamais oublié ses ses premières amours car outre la SF de l'Âge d'Or à laquelle il contribua tant à son zénith qu'à son crépuscule, il n'a jamais oublié qu'il avait toujours été fan du Sword & Planet d'Edgar Rice Burroughs et de la Sword & Sorcery de R.E. Howard (il faudra que je lise ses contributions aux univers créées par ces fabuleux auteurs, maîtres du sens of wonder !)
C'est donc un auteur érudit et sensible, véritable touche-à-tout humaniste parfois piégé par les préjugés du passé. Malheureusement les commissaires littéraires bobos-hipsters qui font la pluie et le beau temps dans le milieu de l'édition française ont décidé pour des raisons que la raison ignore de le mettre sur leur liste noire... (oui ces prises de positions libertariennes et/ou conservatrices sont plus ou moins horripilantes, mais ce n'est pas un criminel contrairement à certaines et certaines mis et mises en avant par ces mêmes bobos-hipsters)


Pour rentrer dans le cœur du sujet, "La Patrouille du temps" est une série de nouvelles / novelas écrites de 1955 à 1995 qui explore avec maturité, érudition, humanisme et sens of wonder le thème des voyages dans le temps. Ce qui m'a frappé de prime abord, c'est la grande maturité avec laquelle l'auteur aborde son sujet : le temps est malléable, plastique, et résilient... En bref il a tendance à toujours retrouver sa trame originelle, donc il en faut beaucoup pour le faire bifurquer... le Doctor Who au meilleur de sa forme ne l'aurait pas mieux expliqué ! ^^

"La Patrouille du temps" ("Time Patrol", 1955) :
La mise en place du récit est un modèle du genre, aussi courte qu'efficace ! (remember "Cobra" du Buichi Terasawa qui empruntait tout au presque à Philip K. Dick et Edmond Hamilton ^^) Manson Emmert Everard est un américain d'origine scandinave (^^), ingénieur mécanicien démobilisé de la WWII (^^), et à New York une étrange entreprise lui fait subir d'étranges tests lors de son entretien d'embauche... S'il signe la clause de confidentialité, à lui la Grande Aventure !
Nous découvrons en même temps que lui les us et coutumes de la Patrouille du Temps à l'Ouest de l'Amérique à l'époque de l'Oligocène, agence de contrôle spatio-temporelle dirigé par les Danéliens (une post-humanité du futur qui a évolué tellement loin qu'il est bien difficile de les comprendre, voire très difficile de les côtoyer). On passe vite sur les entraînement physiques, comme sur les enseignement techniques par conditionneur hypnotique (ah ce bon vieux gimmick de la SF de l'Âge d'Or ^^)...
Il se lie rapidement d'amitié avec son conscrit et collègue britannique Charles Whitcomb marqué par la mort de la femme de sa vie lors de la WWII. Ils investiguent ensemble sur une histoire de tumulus maudit, et après avoir découvert un carburant radioactif du futur ils remontent le temps et procèdent par tâtonnement pour découvrir dans l'Angleterre des Âges Obscurs un bon samaritain qui a pété un câble en rejouant l'histoire du magicien Merlin et du roi Arthur. Les deux compères rétablissent la situation, mais Charles Whitcomb décide de changer L Histoire non pour le bien de l'humanité mais pour son bien à lui : Manse Everard tente de raisonner son ami quand déboulent les nettoyeurs de la Patrouille du Temps... L'un est l'autre veulent plaider leur cause auprès des big boss danéliens, mais tout était déjà écrit à l'avance : ne reste plus qu'aux dits big boss à effectuer le choix qui causera le moindre mal (pour eux, pour la trame du temps, ou pour les personne concernées ?)

"Le Grand Roi" ("Brave to be a King", 1959) :
Parce qu'il en pince toujours pour son ancien flirt Cynthia Cunningham, Manse Everard enquête sur la disparition de son collègue Keith Denison spécialiste de l'Iran ancien jugée cause perdue pour la Patrouille du Temps... Cette nouvelle est excellente à tous les niveaux ! Pour enquêter en toute tranquillité Manse Everard se fait passer pour Hérodote, et se retrouve dans un étrange remake de "L'Homme qui voulut être roi" De Rudyard Kipling qui passe à la moulinette les mythes fondateurs de la Perse des Achéménides et les archétypes du peplum hollywoodien ! Grâce à Poul Anderson je comprend désormais que "Les Chroniques d'Arslan" de Yoshiki Tanaka / Hiromu Arakawa n'est pas une saga fantasy mais une saga chronique, un Moyen-Orient uchronique dans lequel le prophète Mahomet / Mohammed n'a jamais prêché...

C'est la nouvelle qui transpire le plus la dualité de l'auteur... Après avoir décrit avec une nostalgie bienveillante les campagnes barbares de l'Angleterre des Âges Obscurs, il crache tout le venin suprématiste possible et imaginable sur un Orient jugé arriéré, décadent et immoral, puis il rétropédale fortement en mettant en avant toutes les avancées de la Perse des Achéménides et ses apports incommensurables à la civilisation mondiale (l'Iran ayant été pour l'Orient ce que la Grèce a été l'Occident), mais au final il en remet une couche sur la supériorité intrinsèque de l'Occidental sur l'Oriental... Putain, il faut choisir son camp ou mettre de l'eau dans son vin !!!

"Les Chutes de Gibraltar" ("Gibraltar Falls", 1975) :
Plus un poème en prose qu'une nouvelle, comme "La Patrouille du temps" ce court texte est une variation sur le thème de la jeune fille et la mort... Il y a cinq millions et demi d'années l'Océan Atlantique se déversait dans la dépression qui séparait l'Afrique et l'Europe, et Manse Everard chaperonne Tom Nomura le terrien des années 1970 et Feliz a Rach la vénusienne d'un futur indéterministe qui doivent immortaliser artistiquement l'événement... La jeune fille décède lors d'un accident, et Manse Everard enfreint le protocole au nez et à la barbe de ses collègues pour les tourtereaux puisse vivre leur amour. Dommage que le texte soit si simple, car comme ne suit pas réfractaires à une dose d'eau de rose j'estime qu'il y avait à faire avec la romance entre le roturier du passé issu d'une culture patriarcale et l'aristocrate du futur issue d'une culture matriarcale ^^

"Échec aux Mongols" ("The Only Game in Town", 1960) :
Une nouvelle simple et un peu décevante qui vaut davantage pour ses dialogues que pour ses situations. Manse Everard et son collègue amérindien John Sandoval sont chargés de vérifier que l'expédition vers l'Amérique commanditée par le Khan Kubilai et commandée par le mongol Toktai et le chinois Litai-Tsung se perde effectivement dans les méandres de l'Histoire... Ils papotent autour des avenirs qui auraient pu se créer si les Mongols avaient pu atteindre et exploiter les Grandes Plaines américaines, et ils sont bien près de voir ces hypothèses devenir réalité après avoir échoué à décourager les explorateurs en leur servant les mêmes bobards que ceux qui furent servis aux Conquistadores et en recourant à ce bon vieux Gambit de Dieu...

"L'Autre Univers" ("Delenda Est", 1955) :
Clairement une nouvelle des plus intéressantes, et mine de rien sa postérité est immense !!! (toutefois je ne suis pas du tout d'accord avec l'auteur, et Léonard de Vinci, Michel Servet, Galileo Galilei et Tycho Brahé aussi, sur le fait que la religion chrétienne soit le préalable indispensable aux sciences modernes... Soupirs...)
En permission Manse Everard et son collègue du futur van Sarawak partent faire la teuf dans le New York des années 1950, sauf qu'il atterrissent clairement dans une réalité alternative...
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/af/World-of-Delenda-Est.PNG
A partir d'une New York renommée Catuvellaunan, les deux compères soumis aux autorités locales et aux interrogatoires en grec ancien de la bimbo aux cheveux roux Deirdre MacMorn découvrent une Amérique alternative / uchronique (pour ne pas dire steampunk / dieselpunk) où Celtes et Amérindiens cohabitent de manière pacifique et paritaire... Les monothéismes ne se sont jamais développés certes, mais l'Europe s'est de nouveau suicidée dans un conflit mondial opposant Celtes, Huns, Slaves et Teutons, tandis que Carthaginois et indigènes se disputent l'Afrique, tandis que Parthes et Arabes se disputent le Moyen-Orient, et tandis qu'Incas, Indiens et Chinois se disputent la suprématie mondiale alors que les Îles Hawaï / Ynys Yr Lionnach font figure de terres irrédentes pour les uns et pour les autres !



Challenge défis de l'imaginaire (SFFF) 2018
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