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Critique de beatriceferon


Cela fait cinq ans qu'Arnaud et Isabelle ont divorcé. Depuis, elle n'a plus eu de contact avec sa belle-famille.
Lorsqu'elle revoit Camille, c'est dans des circonstances dramatiques. Arnaud est mort subitement. Aux obsèques, Isabelle ne sait pas trop comment se comporter. Pourtant, Camille L accueille à bras ouverts. Elles se remémorent quelques bons moments passés ensemble et, notamment, la préparation d'un repas pendant laquelle elles avaient comparé les mérites de leurs pays voisins, Bretagne et Normandie. L'idée d'organiser un voyage de découverte les avait tentées sans aboutir toutefois. Ne serait-ce pas le moment de la réaliser ? Elles sont seules toutes les deux. Isabelle a perdu son travail. Pourquoi ne pas oublier leurs ennuis sur le chemin des écoliers ?
Mon rêve le plus cher serait de posséder une maison au bord de la mer. de ma fenêtre, je pourrais me perdre dans cette immensité. Donc, oui, je l'avoue, la première chose qui m'a attirée dans ce roman, c'est la couverture. Des personnages, on ne distingue que les bras, mais on comprend qu'il s'agit de deux femmes. On partage avec elles ce moment de quiétude. Sur la table, un thé et des gâteaux. Par la fenêtre, un petit port avec des bateaux et, au bout d'une jetée, un phare qui a l'air breton.
Après ce rêve de vacances, quel choc de lire les premiers mots : « un enterrement se doit d'être triste », car l'histoire commence mal. Arnaud, le fils de Camille, l'ex d'Isabelle, vient de mourir.
Le récit est pris en charge par deux narratrices intérieures qui prendront la parole chacune à leur tour, un chapitre sur deux.
En principe, rien ne devrait les rapprocher. Camille, quatre-vingt-un ans, se retrouve seule dans sa maison de Trouville. Bretonne d'origine, elle a suivi son mari normand et s'est coupée de sa famille qui ne lui a pas pardonné ce passage à l'ennemi. Épouser un voisin, c'était, pour eux, pire que de choisir un martien. Hervé, son époux, est mort, maintenant, son fils. N'a-t-elle vraiment plus personne ?
Isabelle, sa bru, a la quarantaine bien sonnée. Arnaud et elle ont divorcé cinq ans plus tôt. Avocate, elle s'est totalement investie dans son métier, à tel point qu'elle a été victime d'un burn out, ce mal du siècle qui, c'est un comble, rend honteux ceux qui en souffrent. Elle a perdu son travail. Ses parents ont disparu depuis longtemps. N'a-t-elle vraiment plus personne ?
Et pourtant, une profonde affection lie les deux femmes. Camille aime Isabelle comme sa propre fille. Quelle chance pour elle. Moi, j'ai été accueillie par un beau florilège de piques, ma belle-mère m'a toujours considérée comme une ennemie qui lui volait son fils. La gentillesse et l'ouverture d'esprit de Camille m'ont donc beaucoup touchée.
Le point de départ de l'aventure est une sorte de pari que se lancent Camille et Isabelle. Laquelle de leurs régions natales va-t-elle l'emporter ? Pour en décider, elles partent à la découverte d'endroits qu'elles ont envie de faire aimer à l'autre.
Pour ma part, j'adore la Normandie. Donc, je les suis avec enthousiasme. Et les sites choisis par Isabelle, je les connais bien et les adore (je préfère laisser la surprise aux futurs lecteurs et ne pas les dévoiler). J'ai ainsi pu mettre mes pas dans les leurs et visualiser ce qu'elles décrivaient.
Bien entendu, au long de leur périple, elles devisent et ainsi se dévoilent l'une à l'autre, exposant des pans de leur vie passée. Elles rencontrent des personnes chaleureuses et sympathiques (Sylvie et la petite Ambre, Sonia, Eliaz...) Elles apprennent à profiter de chaque instant (la cueillette des cerises, une promenade en tracteur, une baignade dans la mer glacée, le fest noz, un lever de soleil ou la dégustation du kouign-amann ). Mais surtout, et c'est ce qui m'a paru réconfortant, elles sont capables de se projeter dans le futur. La vieille dame plaisante avec une adolescente et s'étonne de certaines expressions employées par Lou, mais ne s'en offusque pas. (« Je lis des fics en anglais sur Wattpad. » Je ris à nouveau. -Ma petite Lou, je n'ai pas compris la moitié de ce que tu viens de dire. ») Elle m'a semblé très optimiste et surtout tolérante, bienveillante, tournée vers les autres, prête à accepter leurs personnalités et à accueillir la nouveauté.
Évidemment, de temps à autre, elle lance une remarque un peu acide, comme : « Devant son assiette, elle fait la moue : -Cette chose est tout sauf un beurre blanc, je l'avais bien dit. » Cet épisode m'a fait rire parce que ma belle-mère avait toujours à redire sur ce qu'on lui servait au restaurant. Mais, à la différence de Camille,elle faisait un vrai esclandre et expliquait sa propre recette aux serveurs médusés, à notre plus grande honte.
Ailleurs, Camille parle de son « attachement à la mer qui [lui] aurait même fait aimer un lieu nommé "Berck" plage. » Et il n'y a pas de raison de bouder Berck-sur-mer, une station très jolie, avec un concours de cerfs-volants très connu ! Mais c'est une plaisanterie, car Isabelle et elle auront, comme de vraies gamines, une crise de fou-rire en évoquant des villes aux noms improbables tels « Vatan » ou Trecon ».
Camille aime la peinture et s'absorbe des heures durant dans son carnet d'aquarelles. Elle découvre avec ravissement « Gymnopédies » et « Gnossiennes » d'Erik Satie que, pour ma part, je peux écouter en boucle. Par chance, les deux femmes vivent cette expérience dans la ville natale du musicien et le concert est donné par un jeune pianiste qui ne manque pas d'originalité, lui non plus, puisqu'il parcourt les rues sur une remorque où trône son instrument. Elles marchent pieds nus dans le sable en pensant que « le bruit de la mer a un effet zen », et moi qui adore cela par-dessus tout, je me sens prête à pleurer en me demandant quand je pourrai le revivre, puisque l'affreuse épidémie que nous connaissons nous tient loin de tout.
Ce roman entre donc en résonance avec mes propres goûts, je m'y sens bien, chez moi. J'y ai aussi appris certaines choses comme ce qu'est un « nemeton » ou la technique de ces magnifiques céramiques nommées « raku ».
Cette histoire pleine d'optimisme m'a donc beaucoup plu. J'ai seulement regretté le style un peu plat, quelconque, qui n'était pas à la hauteur des beautés évoquées.
J'adresse mes vifs remerciements à Babelio et son opération Masse critique, ainsi qu'aux Presses de la cité qui m'ont permis de vivre ces bons moments.
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