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Critique de Seraphita


Au commencement, il y eut l'éclair, puis le grondement sourd de l'explosion, et, après le bruit, le souffle. Dès lors, l'espace-temps de la Terre s'est considérablement restreint à une sphère d'opacité et d'étouffement : le monde s'est obscurci sous l'amas de cendres et de sable s'égouttant d'un ciel mutique. Au beau milieu du chaos, il y a François, 31 ans, ingénieur. Dans ce décor aux contours fuyants, sa route croise celle d'autres fantômes égarés, puis des militaires viennent les embarquer dans un camion vers un camp. Une nouvelle apocalypse commence dans ce camp où chacun interroge ce qui a pu se passer, où François questionne, la peur au ventre, ce qu'il en est des retombées du cataclysme…

Comme l'indiquent les notes à la fin de la nouvelle, « « Les Retombées » paraît pour la première fois en 1979 dans le recueil Dans les décors truqués (Denoël, « Présence du futur »), avant d'être repris en 1983 pour le livre d'or de la Science Fiction consacré à Jean-Pierre Andrevon. » (p. 105.)
Dans cette nouvelle d'anticipation, Jean-Pierre Andrevon met en scène les questions essentielles de son époque (qui restent d'ailleurs d'actualité quelque 35 ans plus tard) dans un huis clos oppressant où domine la peur. C'est un personnage notamment qui va la porter, celui de François, l'ingénieur au fait de la menace nucléaire. le cataclysme, dont on ne sait rien, vient raviver des peurs anciennes et, au détour d'événements, c'est l'Histoire qui semble se jouer de nouveau en une parodie macabre : les camps de déportation se profilent lorsque soudain on vient demander aux réfugiés de se doucher pour se décontaminer. Quand des miradors sont érigés, Auschwitz semble reprendre vie, d'autant que François entend au loin des détonations sèches, en rafales discrètes. Et quand un civil en blouse blanche vient leur dire en bafouillant : « Dans l'immédiat, on va vous demander de bien vouloir vous rendre aux douches. C'est une première mesure de décontamination externe, heu… valable pour tout le monde. Cela ne veut naturellement pas dire que vous soyez contaminés. Il est même très probable que la plupart d'entre vous ne présentiez pas le moindre degré d'irradiation, les retombées ayant été très… quasiment inexistantes » (p. 46.), la minimisation à outrance rappelle étrangement la catastrophe de Tchernobyl qui aura lieu près de 7 ans après l'écriture de la nouvelle. Mais aucune preuve tangible ne peut apaiser les craintes de François, dans un sens ou l'autre. Alors l'angoisse le ronge peu à peu…

On peut louer ici le génie visionnaire de Jean-Pierre Andrevon, sa plume au style soigné, peignant à son lecteur un monde apocalyptique à grand renfort de métaphores aussi glaçantes qu'esthétiques.
Cette nouvelle joue habilement avec la peur, sait en rendre compte ligne après ligne, et toute sa force tient en ce qu'aucune certitude ne filtre au-delà des échos de l'Histoire qui ressurgissent çà et là. Et en même temps, comme aucune certitude tangible n'est donnée au lecteur, on referme la nouvelle sur un sentiment de frustration…
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