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Critique de mylena


Ce roman est une fresque qui s'étale sur près de quatre siècle, centrée non pas sur un, ni même des personnages, mais autour d'un pont. Au début j'avais l'impression de lire des récits sans autres liens entre eux que le pont et la ville De Višegrad mais, au fil du temps, on retrouve les descendants de tel ou tel personnage, des références à des événements antérieurs et l'ensemble fait sens et devient cohérent. L'histoire du pont commence avec l'enfance du futur grand vizir Mehmet Pacha Sokolovitch, serbe de Bosnie enlevé aux siens dans le cadre de l'« impôt du sang ». Devenu grand vizir il fit construire à Višegrad un pont sur la Drina qui jusque là ne pouvait être traversée que par bac. le ton d'Ivo Andric est celui d'un historien qui nous raconte l'histoire de la construction du pont et, avec un grand talent de conteur, quelques légendes locales liées à celui-ci. A cette époque le pont relie les peuples de l'Empire ottoman, l'Orient et l'Occident, les musulmans comme les chrétiens. A Višegrad les habitants, qu'ils soient musulmans, serbes (orthodoxes), juifs sépharades ou tsiganes sont solidaires lors des crues de la Drina et cohabitent sans conflits le reste du temps. A partir du XIXème siècle l'Empire ottoman s'affaiblit peu à peu, la province de Serbie se soulève et la présence militaire turque se fait plus grande à Višegrad et sur le pont, très près de la nouvelle frontière. le quotidien des habitants change cependant très peu. Plus tard un protectorat sur la Bosnie-Herzégovine est accordé à l'Autriche-Hongrie, et la ville occupée se transforme, sous les yeux de la population qui ne comprend guère le sens des réformes. En 1908 l'Autriche-Hongrie annexe purement et simplement la Bosnie-Herzégovine, s'ensuivent les guerres balkaniques, l'attentat de Sarajevo et la guerre de 1914 au cours de laquelle les austro-hongrois font sauter le pont pour repousser l'avancée des Serbes. D'un bout à l'autre du roman le pont est le témoin, muet et imperturbable de l'Histoire. de lieu de rencontre et de communication, symbole d'unification, il devient symbole de division car à chaque fois qu'il y a une crise politique, les armées empêchent les populations de se retrouver en son centre comme elles le faisaient naguère. La fin est pessimiste, ce qui est peu étonnant sachant qu'Ivo Andric a écrit son roman en 1942, sous l'occupation allemande de Belgrade. du temps de la Yougoslavie les côtés positifs (et surtout la solidarité ancestrale), présents aussi dans le roman, pouvaient ressortir, mais depuis les années 90 c'est plutôt l'explosion du pont qui reste en mémoire quand on referme le livre.
L'écriture est colorée, donnant chair à toute une galerie de personnages dont les vies se succèdent dans le grand récit de l'histoire du pont, De Višegrad et un peu, des habitants de Bosnie. Il fallait bien un grand conteur pour faire tenir tout cela en moins de 400 pages. Pour moi ce roman assez atypique et difficilement classable a été une très belle découverte !
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