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Critique de Cancie


Dans un premier temps, Sofia Aouine plante le décor et décrit l'ambiance dans laquellevit Abad, ce jeune adolescent de 13 ans, exilé du Liban il y a seulement trois ans, mais qui a "déjà l'impression d'avoir vieilli de dix piges", rien qu'en se posant sur le banc du square Léon. Il vit avec ses parents dans le quartier de Barbès, La Goutte d'Or, à Paris XVIIIe et sa rue est la rue Léon.
C'est lui qui est le narrateur, un narrateur philosophe, inoubliable.
À cause de bêtises commises avec sa bande des "Apaches du dimanche", il sera considéré comme primo-délinquant et sera astreint par les services sociaux à des séances chez une psychologue qui va, comme il le dit si bien "l'ouvrir dedans". Elle s'appelle Ethel Futterman. Très rétif au départ, il ne dit mot, et lorsque la psychologue change de méthode lui disant : "Pose-moi des questions, si tu ne veux pas répondre aux miennes", il va tout lâcher et elle aussi lui racontera sa vie, et quelle vie ! Il va comprendre alors que chaque être porte un passé, souvent très lourd à assumer.
Tout en décrivant le quotidien du quartier populaire de Barbès, avec toute sa diversité, ceci, de manière remarquable, l'auteure nous brosse une série de portraits réalistes, avec une verve acide et à la fois tendre et émouvante. Elle explique aussi comment certains jeunes du collège, des potes à Abad, peuvent très vite se convertir au djihad sans que personne n'ait rien vu venir. le conflit des générations pèse également dans ces vies difficiles.
Difficile en tout cas, de ne pas être émue par Odette, cette voisine amoureuse de la musique depuis toujours, par la vie brisée de Gervaise, cette prostituée africaine si belle, venue pour sauver sa fille Nana, ou par ce jeune moldave arrivé en cours d'année au collège. Que dire de cette fille d'en face dont Abad était tombé amoureux en voyant son visage entre toutes les fenêtres : "Elle se devait de rester invisible sous le tissu noir qu'on lui avait imposé quand elle était devenue une femme."
Rhapsodie des oubliés est un titre bien choisi et on ne peut plus explicite.
J'ai beaucoup apprécié la beauté des mots et la justesse de ton avec laquelle l'écrivaine a décrit la vie de ces femmes, leurs joies, leurs souffrances surtout, mais aussi leur combat pour survivre.
Avec ce premier roman, Sofia Aouine réussit un livre très maîtrisé qui rend compte à la fois de cette période délicate de l'adolescence, des difficultés rencontrées par un jeune enfant pour s'épanouir, dans un contexte aussi violent - un des chapitres s'intitule d'ailleurs : Ceux qui n'auront pas d'enfance - mais également de la vie pleine de bruits, de couleurs, d'odeurs et malheureusement de noirceur de ces quartiers où vivent nombre d'oubliés. Il serait peut-être temps d'ouvrir les yeux et de partager !
Le Prix de Flore a récompensé en 2019, de façon très méritée, ce superbe roman éblouissant et bouleversant, à l'écriture jeune et alerte.
Si j'ai pu découvrir ce roman, c'est grâce à Yaena, une amie babéliote, que je remercie ici, qui en a fait une superbe critique et m'a vraiment donnée envie de le lire !

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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