Melvina

Melvina en a marre d'être une enfant !
Un peu comme Alice au pays des merveilles, elle bascule dans un monde peuplé de créatures fantastiques qui ont besoin d'elle pour retrouver leur liberté. L'aventure commence...
À partir de 9 ans.

C'est mon petit dernier (8 ans et demi, il aura 9 ans fin du mois, et il est en 4e primaire = CM1 en France, je ne sais pas dans les autres pays francophones) qui est revenu de l'école avec ce livre, tout fier et tout intéressé ! Il l'avait « remporté », au sens propre, après sa visite hebdomadaire à la bibliothèque. En effet, ils ont une « activité bibliothèque » une fois par semaine, et parmi les diverses choses qui leur sont proposées, parfois c'est tout simplement la présentation (et lecture du début) de l'un ou l'autre livre. C'est donc ce livre-ci que la bibliothécaire leur avait proposé, et apparemment il a eu un succès fou, car elle a ensuite dû tirer au sort pour savoir qui aurait la chance de le ramener le premier à la maison pour une semaine, et c'est donc tombé sur mon Juju ! Coup de chance supplémentaire : comme on entrait en congé scolaire juste après cette séance-bibliothèque, il aura eu ce livre près de 3 semaines au total.

Je n'avais pas forcément envisagé de le lire moi aussi… mais quand j'ai vu comme mon gamin était captivé, lui qui ne lit que très rarement (si ce n'est, parfois, un documentaire animalier dans son « Wapiti » ou son « Images Doc » de Bayard-Milan par exemple), j'ai été interpellée et j'ai eu envie de comprendre pourquoi ce livre passionnait autant mon jeune homme en herbe.
C'est donc bien avec cet a priori très fort de maman enthousiaste, trop heureuse d'avoir vu son petit non-lecteur tout à coup intéressé par un livre, que je l'ai abordé. Pour une fois (je crois), je suis bien loin du cliché de l'adulte qui lit un roman (graphique) jeunesse, avec ses purs yeux d'adulte ; certes, il s'agit bel et bien de mon avis à moi, qui ne suis plus (et depuis longtemps) le public-cible d'un tel livre, mais cet avis est biaisé d'avance par ce regard subjectif, de maman d'un enfant auprès de qui ce livre "marche".

On fait ainsi la connaissance de Melvina, petite fille qui doit avoir une petite dizaine d'années, même si ce n'est jamais dit – en tout cas, on la sent à cet âge où elle a encore cette innocence de l'enfant qui se laisse embarquer dans une histoire comme si c'était la chose la plus normale du monde, mais qui a peu à peu ses revendications qui l'amèneront, bientôt, à l'adolescence. Et ici, en particulier, elle ne supporte plus que ses parents lui dictent tout ce qu'elle doit faire, et ne tiennent jamais compte de son avis. Et je précise : ça ne résonne pas comme le caprice d'un très jeune enfant qui veut être grand lors des « terrible two » par exemple (qui dure plusieurs années pour certains !), on est bel et bien en présence d'une petite fille qui commence peu à peu à réfléchir réellement à sa situation, à sa vie. Un jour, alors qu'elle poursuit son chat sur le toit de son nouvel immeuble, après une manoeuvre périlleuse elle atterrit chez un étrange vieux bonhomme, qui voit en elle « l'Élue » et l'entraîne dans un monde bien étrange…

Alors, la première chose que l'on voit dans un roman graphique, c'est le dessin… précisément ce à quoi je suis ultra-sensible, au point de rejeter d'emblée la plupart des illustrés (au sens large), car j'ai toujours eu beaucoup de mal à entrer dans l'imaginaire d'un auteur par ce biais-là: j'ai automatiquement le sentiment de ne pas pouvoir développer mon propre imaginaire, mes propres images justement, quand j'ai le nez sur celles d'un autre – pour cette raison, je préfère infiniment les mots car, même quand il s'agit d'une écriture très visuelle, ça reste quand même mes images à moi….
Mais je ne veux pas faire un débat sur BD ou pas BD : puisque je me suis lancée dans ce livre, autant jouer le jeu !
Je peux dire tout de suite que, à première vue, et sans l'engouement de mon petit bonhomme, je ne me serais jamais lancée dans ce livre. Ce n'est pas un dessin qui m'attire spontanément, rien qu'à la couverture, je lui trouve quelque chose de « brouillon », tout à l'air de se mélanger plus ou moins, les personnages sont très typés mais par moment à la limite de la caricature… ou du rêve fantastique ? Pour le coup, une fois qu'on est entré dans l'histoire, on se rend compte que cet aspect-là est bien rendu, les frontières entre le monde réel de Melvina et le monde dans lequel elle se retrouve sont comme effacées, dans une explosion de couleurs, parfois vives, parfois plus douces, en fonction de l'ambiance du moment. Ainsi, ce côté « brouillon » qui ne m'attirait pas à première vue, est très largement compensé par ce jeu des couleurs (que j'ai trouvé toujours agréable) et une indéniable expressivité à travers tout le livre !

Quant à l'histoire… j'ai lu que plusieurs commentaires relèvent comme elle est simpliste, peu développée, etc. Sérieusement ? Certes, on est très loin d'un roman de Tolkien par exemple… mais je ne crois pas que le but de l'autrice ait été de faire de la grande littérature. Oui, l'histoire est simple, mais elle est aussi entraînante et pleine de rebondissements, avec quelques moments de tendresse très touchants, et je suis convaincue que les jeunes lecteurs appartenant effectivement au public-cible, peuvent aisément s'identifier aux personnages, et certainement à cette intrépide petite Melvina ! À travers cette histoire toute douce, très expressive et pleine de couleurs, certes simple mais qui ne manque pas de souffle, je pense que l'autrice a simplement voulu dire aux enfants plus si loin de l'adolescence, qu'ils prennent le temps de grandir… et pour moi le pari est tout à fait réussi !