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Critique de Patsales


Au cours d'une conférence, au chapitre 109 de ce roman, un écrivain basque s'étonne de ne pas avoir adhéré à l'ETA: "En fin de compte, moi aussi j'ai été un adolescent basque, et j'ai été exposé comme tant d'autres jeunes de mon époque à la propagande en faveur du terrorisme et de la doctrine sur laquelle il est fondé. Mais j'ai beaucoup réfléchi sur le sujet et je crois avoir trouvé la réponse."
Un des personnages principaux, distrait, cherche un visage dans l'assistance. Quand la narration se focalise à nouveau sur l'écrivain, le lecteur comprend que cette réponse a peut-être été donnée, mais que lui ne la lira pas. Dans l'assemblée composée de victimes du terrorisme, on trouvera deux personnages qui avaient juré de ne jamais participer à un événement de ce genre, un écrivain qui parle sans être vraiment écouté et une ellipse. C'est que la réponse se cache moins dans une conférence que dans le livre tout entier, remarquablement construit autour de 9 personnages qui sont tous au centre du même nombre approximatif de chapitres. le livre zigzague entre eux neuf, à la recherche d'une chronologie impossible, zigzaguant comme on avance après avoir pris un coup, en se demandant comment on a pu en arriver là. Comment un peuple s'est érigé en victime cardinale, comment au nom d'une nécessaire libération il a créé des assassins et des salauds (l'assassiné étant forcément un individu ignoble justement désigné par la Justice du Peuple), voilà bien la question que nous nous posons, nous lecteurs français, dans notre fausse candeur et auto-aveuglement.
Alors que Aramburu, par la voix de son écrivain peu écouté et vaguement pontifiant, nous rappelle que la vraie question est plutôt: pourquoi certains ne cèdent-ils pas? Pourquoi restent-ils sourds aux injonctions de leur famille et de leur culture et comment parviennent-ils à sauver leur intégrité, sans hurler avec les loups?
Dans ce beau roman désespérant, où l'ETA empêche de vivre, quand le terroriste comprend qu'il n'aura jamais vécu et s'est refusé le droit au bonheur, quand le fils de la victime se débarrasse des marrons parfumés qu'il vient d'acheter pour ne pas éprouver de plaisir, c'est là la seule lueur d'espoir: on peut échapper à la haine. Pas au chagrin, pas au malheur, mais au moins à la haine.
Et quand la mère de l'assassin refuse de s'apitoyer sur la famille de la victime, parce que "tout le monde a ses problèmes", il faut savoir gré à Aramburu de reconnaître l'humanité de chacun et de signer la victoire d'une fragile espérance en envoyant une mère sanglée dans son conformisme s'attendrir enfin au mariage de son fils pédé.
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