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Critique de Apoapo


Ce second opus de Nelly Arcan, encore autobiographique, se présente comme une lettre ouverte à son ex, écrite dans la perspective de son suicide imminent, afin de parcourir l'histoire des quelques mois de leur relation amoureuse passionnée et surtout celle de son étiolement jusqu'à la rupture, à la séparation-abandon. "Folle" n'est pas l'héroïne, même lorsqu'elle se complaît à ainsi se qualifier, c'est assurément la relation, faite d'une exaspérante absence de confiance en soi, avec son pendant d'exaltation de la beauté virile de l'autre ; fondée sur l'omniprésence d'une sexualité outrancière et souvent perverse, avec son pendant de déperdition de la communication verbale - paradoxale chez un couple de gens d'écriture ; basée enfin sur la prépondérance du principe de thanatos sur (ou dans) éros - cf. les pages les plus marquantes sur l'avortement, qui déclenche la rédaction du récit et la date anniversaire de l'année fatidique (trentième) qui en constitue l'achèvement - quelque peu abrupte.
Comme si l'écriture s'était effectivement déroulée au fil des jours au cours du mois entre ces deux événements, dans l'urgence de se libérer (vider ses entrailles) et dans l'étourdissement de la douleur, le récit n'est pas chronologique mais aléatoire, la succession des souvenirs, des réflexions, des considérations internes et externes au couple, erratique. Les répétitions sont nombreuses sans que soit baissée la garde du soin minutieux de l'expression, de la recherche maniaque de la justesse et de l'exactitude. Et ça fait mouche : bien que je n'aie pas une grande familiarité avec le thème de la rupture sentimentale en littérature, tant de pages me semblent anthologiques. Par ailleurs, la plainte tantôt voluptueuse, tantôt gémissante de la narratrice est invariablement exempte de reproches au destinataire fictif. Ce qui ne fait qu'aggraver les blâmes plausibles que le lecteur a envie d'adresser aux deux personnages (surtout à ce dernier)... L'auteure s'avère d'ailleurs fort lucide sur son lectorat :
"[...] disons qu'entre mes lecteurs et moi, il y avait une grande complicité, je leur ai appris que vomir pouvait être une façon d'écrire et ils m'ont fait comprendre que le talent pouvait écoeurer." (p. 168)

Voilà où j'en suis moi-même avec Arcan, en tout cas en ce moment. Mais pour future mémoire, je souhaite noter encore deux citations toujours sur le thème de son écriture :
"Chez moi écrire voulait dire ouvrir la faille, écrire était trahir, c'était écrire ce qui rate, l'histoire des cicatrices, le sort du monde quand le monde est détruit. Écrire était montrer l'envers de la face des gens et ça demandait d'être sadique, il fallait pour y parvenir choisir ses proches et surtout il fallait les avoir follement aimés, il fallait les pousser au pire d'eux-mêmes et vouloir leur rappeler qui ils sont." (Ibid.)
"Écrire ne sert à rien qu'à s'épuiser sur de la roche ; écrire, c'est perdre des morceaux, c'est comprendre de trop près qu'on va mourir. de toute façon les explications n'expliquent rien du tout, elles jettent de la poudre aux yeux, elles ne font que courir vers un point final. [...]" (Excipit)
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