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Critique de AMR_La_Pirate


Je tiens à remercier #NetGalley et Xo Éditions pour l'envoi du livre de Jean Arcelin en échange d'une chronique… Un titre accrocheur, Tu verras Maman, tu seras bien… pour nous donner à lire « la vérité tendre et glaçante d'un directeur de maison de retraite ».

Ce sujet me tient à coeur pour plusieurs raisons…
Sur le plan professionnel, j'ai terminé ma carrière en tant que membre de l'équipe médico-sociale chargée des personnes âgées d'un Conseil Départemental ; j'y étais plutôt spécialisée dans le maintien à domicile et j'allais sur le terrain au plus près des bénéficiaires de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie, postures que je défends encore et toujours et que la lecture de ce livre vient, s'il était besoin, vivement conforter.
Sur le plan personnel, je soutiens l'attitude de mon père, un guerrier de 94 ans et demi qui vit seul depuis le décès de Maman, survenu en 2013, et qui estime que « l'on va en maison de retraite quand on est foutu !», pas avant… ; j'essaie aussi d'expliquer à ma belle-mère, âgée de 82 ans, qu'il vaut mieux qu'elle et son compagnon, à peine plus vieux qu'elle, restent chez eux le plus longtemps possible alors qu'ils semblent persuadés qu'ils seraient mieux en EHPAD…
Entre ces deux niveaux, j'ajoute que j'ai fait partie du Conseil d'administration d'une maison de retraite associative quelques années jusqu'à sa reprise par un grand groupe gestionnaire. Les échos que j'en ai depuis ce changement de gestion ne sont pas bons pour le bien-être des résidents : l'ambiance se dégrade entre les personnels, le fruit frais a été supprimé de la collation de l'après-midi, il n'y a plus de volières pour les oiseaux…
C'est donc à la fois avec un avis déjà tranché et un grand intérêt que je me suis plongée dans ce livre.

Au début, la démarche de Jean Arcelin m'a un peu agacée… Il venait d'un milieu professionnel tout à fait différent, animé des meilleures intentions… Sa reconversion, à presque cinquante ans avait un côté aventureux, une part d'inconnu, une idée de défi ; mais le côté personnel est émotionnel m'inquiétait un peu. Et puis, j'ai découvert une écriture très efficace et surtout très équilibrée entre le factuel et le personnel ; j'ai rapidement salué son excellente maîtrise du sujet.
Les chapitres sont courts, bien calibrés. L'auteur mêle à son parcours des bribes de vie, la sienne et celles des résidents ; l'ensemble est romancé, les noms ont été changés mais tout cela sonne très juste ; la vérité se lit et s'entend.
Il y a une réelle volonté didactique pour expliquer les sigles barbares pour le néophyte, pour schématiser les fonctionnements des grands groupes gestionnaires d'EHPAD et leurs applications dans le détail décisionnel. Jean Arcelin mêle avec brio l'indicible (certaines scènes sont insoutenables), l'humour, le réalisme, le rire et les larmes, le sentiment d'impuissance et la volonté à toute épreuve. Son récit est une succession d'observations, de réflexions, de portraits humains, de tentatives menées à bien ou pas, de victoires et de défaites, de conseils, de métaphores, de chiffres, d'interprétations… C'est aussi un bel hommage aux personnels qu'il a cotoyés.

Je vais garder en mémoire l'allégorie du colibri… Il vous faudra lire ce livre pour vous l'approprier aussi…
Je vais rêver que tous les directeurs(trices) d'EHPAD sortent de leurs bureaux et s'intéressent autant au quotidien de leurs résidents et de leurs personnels que Jean Arcelin l'a fait au cours de son expérience de ce poste au combien difficile, pris entre le marteau et l'enclume…
Ce livre est un constat, un terrible constat : « une société qui ne respecte pas ses anciens porte en elle le virus de la mort »… Ce livre peut aussi devenir un outil de travail ; tous, autant que nous sommes, allons vieillir, allons devenir dépendants. L'avenir que nous décrit ce livre n'a rien de séduisant. Une part de moi se demande si j'aurai le courage et la possibilité de mettre fin à mes jours avant de risquer de finir ma vie dans un EHPAD… Une autre part, qui croit en l'humain espère sincèrement que notre société va, enfin, se donner les moyens de réfléchir à la vieillesse et à la fin de vie en partant de valeurs humanistes et non plus financières.

Un livre démoralisant mais nécessaire…
Merci Jean Arcelin.
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