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Critique de Krissie78


Voilà un livre sur lequel il m'est difficile d'écrire, car si je n'ai pas franchement apprécié ce n'est pas non plus un roman à jeter. Ce qui est sûr par contre, c'est qu'il ne peut que diviser.

Après la citation qui sert d'introduction (« car la suave enfance monte la première des profondeurs de toute agonie » - Georges Bernanos), nous voici à Nazareth. Un petit garçon répondant au nom de Jésus, entend pour la première fois un nom pour le désigner, dont il sent bien que c'est une insulte. Il demande à son père, le sage Joseph, des explications, essaie de comprendre pourquoi sa mère, Marie, est rejetée par les autres femmes.

Voilà les bases sur lesquelles va s'appuyer Metin Arditi pour réécrire l'histoire de Jésus, de son enfance à Nazareth jusqu'à sa mort sur la croix et au-delà. Une réécriture qui bouscule, et à même de quoi largement provoquer le courroux des chrétiens. Marie est une simple d'esprit qui a été abusée par un soldat romain, Joseph un homme sage et conciliant, Jésus un enfant devenu charpentier et habile guérisseur et qui portera jusqu'à l'âge adulte le traumatisme de sa naissance et de sa condition de bâtard. Toute sa vie ne serait qu'une remise en cause de la rudesse de la loi juive, une lutte contre ses injustices (notamment vis-à-vis des enfants comme lui ou des femmes comme Marie). Un combat sur lequel un autre bâtard va s'appuyer pour parvenir à ses fins : créer une nouvelle religion.

Il y a là de nombreux points de vue qui ne peuvent que perturber qui a grandi dans le catholicisme. L'auteur me paraît jouer avec nos croyances, en prenant le contrepied pour les inverser. Pour lui Jésus n'est à aucun moment maître de son destin. Guidé par une soif de justice, il apparaît manipulé par tous ceux qu'il croise : par Jean le Baptiste qui le choisit pour le remplacer sans que Jésus ne donne l'impression de vraiment savoir pourquoi ; par Judas avec qui il est d'accord sur le fond mais pas sur la forme de l'opposition aux gardiens du temple. Si Jésus apparaît travaillé par le doute et refusant d'être déloyal à la religion dans laquelle il a grandi, Judas n'a lui aucun scrupule à utiliser le charisme de son ami Jésus pour arriver à ses fins, mettant en scène les miracles, créant la légende avec l'accord tacite de Jésus. Les apôtres eux-mêmes ne sont que la représentation de ce que la Loi juive rejette : des mamzer (bâtards), des malades, des handicapés.

Je m'interroge encore sur le but de l'auteur, sur son projet, sur le choix de l'uchronie. J'ai été heurtée par certains partis pris. Metin Arditi veut-il interroger le fondement de la foi ? Veut-il interpeller le lecteur sur son propre chemin spirituel ? En s'intéressant à l'homme Jésus, à son humanité plus qu'à sa spiritualité, en le réduisant à un homme blessé dans l'enfance, que cherche-t-il à nous démontrer ?

Un roman troublant, déroutant, dérangeant, mais non dénué de qualités littéraires.
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