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Critique de JLBlecteur


Le choix, je suis pour !

Sicile, 1960 : un bond dans un autre monde d'un autre temps, pas si ancien pourtant, surtout quand la vision initiale qui nous en est donnée se transmet par le prisme du genre, la différence entre vie de garçon et vie de fille,  accentuée, en plus, par le lourd poids des traditions écrasées par une religion omnipotente.

On peut facilement le resituer aujourd'hui et ailleurs ce monde qui devrait être obsolète. Pourtant !

C'est une préadolescente qui parle, très simplement, qui découvre les interactions sociales dans son petit village hors du temps et qui restitue son ressenti en ‘direct-live', sans filtre et surtout en toute innocence.
C'est comme si nous lisions son journal intime.
Elle raconte, elle se raconte.

La méchanceté, je suis contre !

On visualise aisément son environnement familier dominé par une mère aigrie d'avoir épousé certes son amoureux de jeunesse mais réputé feignant comme une teigne.

Elle l'aime, elle, ce père bienveillant mais éteint et taiseux qui aurait tant de choses à lui transmettre mais elle doit taire ses envies de savoir ou de partage et se terrer au domicile parental comme se joindre, contrainte et passive, aux réunions des bigotes locales pour la simple raison d'être née fille.

Les obligations, je suis contre !

Elle rêve de liberté, de faire sauter les carcans ancestraux qui enferment la femme au foyer, toute entière dévolue au bon vouloir de l'homme et soumise  aux regards malveillants des pisse-vinaigre qui régissent la vie rustique du village.

L'émancipation, je suis pour !

Un jeune homme revenu de la ville pose ses yeux inquisiteurs sur elle qui ressent d'étranges et incompréhensibles fourmillements en son corps s'éveillant et s'en défend. Les pisse-vinaigre laissent se rependre leur dégoulinant venin acide.

La calomnie, je suis contre !

Puis la vie familiale connait un méandre inattendu qui aurait pu être dramatique. le quotidien va changer, se durcir.

Des promesses vont se faire dont elle est l'objet, incrédule. Son avenir se joue sans que lui soit demandé son consentement. Un objet que l'on case pour que se taisent les sournois commentaires assassins fussent-ils insensés.

Insensé également peut être le destin quand les volontés farouches sont ignorées, refusées, rejetées et que la vengeance insidieuse se met en branle.

Fragile et vulnérable est une jeune fille quand les vents contraires hurlent, puissants et vénéneux.

Vulnérable et fragile est le corps d'une jeune fille quand le prend celui d'un homme puissant et vénéneux.

La violence, je suis contre.

C'est un livre en noir et blanc, à l'image très contrastée comme les composait Pagnol quand ses films racontaient les drames tissés sourdement dans des campagnes brûlées par un incessant soleil de plomb. Une image incendiée pour illustrer les feux intérieurs que peut consumer une jeune fille qui découvre une vie dont personne ne lui a donné les règles du jeu qui peut la réduire en cendres.

Un gamine d'hier qui rumine les rêves d'une gamine d'aujourd'hui alors qu'autour d'elle fusent des réflexions et se décident des actions qualifiables maintenant de post ‘me-too'.

La subversion, je suis pour !

On est en 1960 et en Sicile mais on parle déjà d'éduquer les garçons au respect des filles : cherchez l'erreur !

Racontant une histoire d'hier, ‘le choix' fait celui de braquer un projecteur sans concession sur la condition féminine qui, partout dans le monde, encore aujourd'hui, pâtit toujours de la culture ancestrale d'un patriarcat dominateur dont, même les femmes, forgées par des années d'asservissement, nourrissent la pieuvre qui, inlassablement, s'immisce dans les esprits pour y déposer ses pensées archaïques et nauséabondes.

La pieuvre, je suis contre !

Des mots qui auraient dû disparaitre du dictionnaire ordinaire sont imprimés dans ce roman puisque que l'on y parle de viol, de mariage ‘réparateur' et de violences conjugales.  On évoque le divorce et l'avortement aussi, des idées jugées soit scandaleuses soit révolutionnaires, à l'époque (Sicile, année 60, je le rappelle) mais sont-elles vraiment banalisées de nos jours et surtout partout ?

La libération, je suis pour !

Parce qu'écrit d'une plume simple et alimenté d'un réalisme cru, ce récit haletant, rédigé à coupe-souffle, continue de faire écho, même une fois le roman refermé, la lumière éteinte comme un film se rejoue sur l'écran noir de nos nuits blanches comme le chantait le petit taureau de Toulouse qui, en fait, n'a strictement rien à faire dans ce commentaire mais que je cite parce que j'ai le droit de choisir de terminer ma chronique ainsi.

Le choix', je suis pour !
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