Le rhinocéros de Wittgenstein

Ce n'est pas facile, mais c'est important de distinguer entre ce dont on peut - ou non - être certain, ce qu'on peut connaître - ou non -, ce qu'on peut - ou non - exprimer. Clarifier les pensées, jauger la formulation des pensées, telle est sans doute la tâche de la philosophie. Mais pas au-delà. Au-delà, la philosophie n'a rien à dire. A transgresser la frontière, à vouloir dire ce qui seulement peut être montré, la philosophie devient mauvais bavardage.

Plus Wittgenstein médite, plus il est persuadé que sa vie se révèle non par ses propos, non par ce qu'il dit, mais par tous ses actes, les mauvais comme les bons. Elle se manifeste d'elle même pour ce qu'elle est. Les choix que lui-même opère sont la seule manière de montrer ce qui pour lui a de la valeur. Il n'y a rien à expliquer. Surtout, ne pas tenter d'expliquer! La vie heureuse se justifie par elle-même, elle est l'unique vie correcte.

"David, pourquoi t'ai-je dit un jour que seule m'intéressait la logique, alors que ce n'est pas vrai, même si c'est véritablement mon travail, ma tâche en ce monde, à laquelle j'espère ne pas avoir failli. Mais tu savais sûrement que ce n'était pas mon seul intérêt. N'avons-nous souvent discuté de ce qu'était une vie heureuse, apaisée, de ce que devait être une vie bonne.
J'aimerais pouvoir te dire maintenant de vive voix qu'on reconnaît la solution du problème de la vie à ce qu'on ne se pose plus ce problème. La solution du problème est sa disparition. Comme pour dire; quel problème? Y avait-il un problème? Où ça?
Mon cher David, les gens pour qui le sens de la vie devient clair après qu'ils se soient beaucoup interrogés et tourmentés sont incapables de dire en quoi consiste ce sens..."