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Critique de popie21


Il y des livres qui vous bluffent par leur style incroyable, d'autres vous estomaquent par la violence ou la beauté de leur sujet, certains vous emportent comme un poème et vous font chanter jusqu'à la dernière page. Et puis il y a ce livre, ce livre entre tous, celui qui vous fait tout à la fois, "Je suis en vie et tu ne m'entends pas" m'a complètement bouleversée.

Le sujet en est essentiellement le racisme sexuel, le plus répandu, le plus sournois, le plus toléré, le plus écoeurant.
Daniel Arsand nous montre une facette souvent méconnue de la Seconde Guerre Mondiale - quand les homosexuels étaient déportés pour être "guéris" - par le ressenti d'un homme, Klaus Hirschkuh, un homme qui préfère les hommes.
Rescapé d'un camp de concentration - dont je ne vous donne pas le nom puisqu'il lui faudra du temps pour même envisager de le prononcer - Klaus retourne à la vie et aux vivants. Il est presque détruit, miné par les horreurs vues et subies. C'est un zombie qui traverse les ruines de Leipzig après la Libération et qui, par bribes, nous raconte l'enfer du camps pour les triangles roses, les homosexuels : les brimades, la castration, la haine des autres détenus, l'amour forcé pour survivre, les viols collectifs pour le punir de survivre.
Il nous montre aussi l'immense douleur de vivre, la culpabilité du survivant et la difficulté à se reconstruire après "là-bas", le décalage entre lui et sa famille, l'exil choisi avec l'ami René, puis doucement, tout doucement, un peu de bonheur retrouvé, enfin.
Mais la fin de la guerre n'est pas la fin de l'ostracisme, les homosexuels restent les victimes privilégiées des petites frappes et de leurs insultes pas très originales, Klaus en sera témoin.

Dans ce livre génial, c'est le déni de notre société sur l'homosexualité que Daniel Arsand dénonce. Après la guerre il y a eu le refus d'accepter qu'il y a bel et bien eu des homosexuels internés dans les camps de concentration, qu'ils ont subi un enfer qu'on ne compare à aucun autre car qui oserait réaliser un classement de l'Horreur ? Les homosexuels n'ont jamais pu obtenir de reconnaissance après guerre, jamais obtenu de dédommagements non plus, on a nié leur internement dans les camps, il n'en sera pas fait mention au procès de Nuremberg en 1946.
L'auteur nous rappelle aussi que lorsque l'épidémie de SIDA a fait des ravages, ce sont eux qui ont été pointés du doigt, eux les pédés, qui ramenaient au monde cette saloperie de maladie... non, les hétéros n'ont pas le SIDA, jamais, non jamais.

Aujourd'hui encore, même si Daniel Arsand n'en parle pas dans son livre, il reste encore ce fond de haine indécrottable, cette violence qu'on ne veut pas admettre, entre autres l'incroyable machin pour tous et ses professeurs de morale à la Brigide Foutin.

Vous l'aurez compris, j'enrage de cette intolérable injustice, de ce racisme sexuel dont on parle si peu. Et je suis amoureuse de ce livre parce qu'il nous dit des choses vraies et terribles et terriblement belles aussi. le tout écrit dans un style admirable, pur, scandé, des bribes de pensées, des morceaux de vie, il dénonce sans haine, il montrer l'amour, le vrai, celui qui n'a pas de sexe. C'est un plaidoyer magnifique, un des plus beaux livres que j'aie lu depuis des années.
Ma fille, si sage pour ses dix-neuf ans, me dit qu'il existe autant de façons d'aimer que de couleurs dans un nuancier, elle a raison, nous devons dire Stop à toutes les formes de Racismes, STOP à la LGBTPHOBIE.

À lire absolument. Merci M. Daniel Arsand.

P.S. : N'oublions pas que l'homosexualité, féminine et masculine, est encore aujourd'hui un délit passable de mort dans beaucoup de pays : https://www.cosmopolitan.fr/tous-les-pays-ou-l-homosexualite-est-interdite-et-punie-par-la-loi,2022352.asp
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