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Citations sur Lignées (3)

Sous les pores de la peau les mots se pressent, ils suffoquent en quête d'issue, il faut ouvrir, ouvrir les yeux les oreilles le coeur le foie les intestins, il faut déchirer l'enveloppe, saigner dru, tailler vif, il ne faut pas avoir peur, pas reculer, texte/peau même combat pour la vie, pour l'expansion dans la lumière, pour l'aller sans retour, droit en direction des nuages des merveilleux usages, droit en direction des galaxies tourbillonnantes, de la danse des atomes, droit en direction du Tout glouton, de l'infini fossoyeur, de l'au-delà de soi confisqué sous les pores de la peau.
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Je ferme les yeux et laisse le mot venir, le mot qui bouge sous ma plante de pied, le mot que je froisse à chaque pas mais qui se redresse toujours, graminée têtue, chiendant de consolation. Le mot grimpe jusqu'à ma main qui ne le voit pas mais le saisit, san rien demander, sans connaître son sens et son sort, ce qui l'attend dans le blanc de la page- un faux blanc, toujours maculé de vestiges, de couches de signes décomposés, de mains coupées dans la marge, paumes pleines de syllabes rouges encore vivantes. Le mot exige, parle haut. Le maître-mot veut ma gorge pour battre, ma bouche pour mordre, il cherche le réel, éperdument, mais ne sait où le rejoindre. Baudruche. Il s'enfle, hisse sa sève obscure, cherche la brèche ou le geste pour fendre le silence, l'éventrer, en deux comme fruit trop mûr, noyau à l'air, abricot doré, essence et substances mêlées, chair du monde.
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Tu marches dans les nervures songeuses du mille-pertuis, dans les vaisseaux ramifiés de ton cerveau.
Les cellules meurent ou prolifèrent, tu ne sais rien du grand chantier.
La forêt n'est pas vierge, la page n'est pas blanche et les chemins n'existent pas.
Tu dois marcher longtemps dans le blanc éblouissant du trop-plein de signes, dans le noir incertain des ombres mêlées.
Les morts en attente, alignés comme des troncs, dressent leurs branches défeuillées.
Tu dois marcher sans t'arrêter.
Sans t'encombrer de mots.
Que rien ne te retienne, si tu veux franchir la passe,
si tu espères toucher du doigt l'or de l'énigme.

Françoise Ascal, "Lignées", accompagnés de dessins de Gérard Titus-Carmel, 2012
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