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Critique de horline


Le cri de l'oiseau de pluie annonce traditionnellement la mousson au Pakistan. Mais cette année-là, après cinq mois de sécheresse, il précède la mort du juge Anwar notable d'un village miné par les intrigues locales.
Pour autant point d'enquête lente et minutieuse, le meurtre permet avant tout à Nadeem Aslam d'engager le récit dans l'exploration furtive des petites failles qui fissurent le mur des maisons et les histoires de famille. A travers les interstices, il jette une lumière tamisée sur un monde rural coincé entre traditions ancestrales, bigoterie et petites transgressions empruntées aux sociétés modernes. Accablé par le deuil, la découverte de colis postaux et la chaleur suffocante, on a le sentiment que rien ne bouge dans ce village, les évènements et les manigances glissent comme une ombre dans la banalité du quotidien. Seuls se propagent la rumeur et les mots étouffés derrière les portes closes, laissant germer une tension grandissante, entre crainte, colère et incompréhension.
Rien ne bouge mais tout se bouscule, surtout lorque ça s'agite dans la lointaine capitale avec une onde de choc insidieuse qui retentit jusqu'à ce village anonyme et isolé …


Le Pakistan du Général Zia durant les années 80 est déjà ce pays noyé sous la corruption, la répression politique et religieuse. Mais Nadeem Aslam refuse de le dénoncer frontalement dans ce premier roman enfin paru en France. Peut-être parce qu'on ne fait pas de la bonne littérature avec des idées trop franches. L'auteur préfère ainsi évoquer de petites histoires et de courts dialogues pour alimenter l'intrigue, l'écriture frémissante d'intimité ne creusant jamais au-delà. Lire le cri de l'oiseau de pluie c'est contempler une communauté qui s'épanouit dans l'observation d'une vie discrète et odorante, faite de temps et de prières, comme si l'auteur avait voulu dépeindre une part immobile de l'Histoire au milieu de la violence et de la misère.
Si bien que pour certains suivre la galerie de personnages avec cette narration en pointillés peut apparaître léger et sonner creux.
Mais à regarder entre les lignes, on a le sentiment de lire une fiction portée par l'ambition de montrer une réalité plus complexe que celle que l'on est tenté de croire. Pari réussi ou pas, j'ai aimé cette faculté singulière de faire surgir une atmosphère, lacher des brides de confidences, capter des images furtives et des émotions cachées. Personnellement j'ai choisi mon camp, Nadeem Aslam a non seulement le talent pour décrire des personnages qui portent en eux le reflet d'une époque, mais il parvient également à mettre en lumière avec finesse la vérité qu'ils ont en eux. Progressivement. Révélant des enjeux et des forces enchevêtrées.
Si les brusques mouvements qui affectent ce village isolé sont des variations sans éclat, à peine perceptibles, refluant de l'ombre des mots, des odeurs nauséabondes comme des silences, les crispations qui menacent le fragile équilibre sur lequel ce coin reculé reposait jusqu'à présent sont elles bien tangibles.

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