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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une nouvelle série, indépendante de l'univers partagé Valiant, pour ce premier tome. Il comprend les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2013, écrits par James Asmus, dessinés et encrés par Tom Fowler, avec une mise en couleurs de Jordie Bellaire. Les couvertures ont été réalisées par Ryan Sook. Ce tome constitue l'équivalent d'une première saison qui peut se lire sans sentiment de frustration arrivé à la fin. Il comprend également les 7 gags en 1 page, parus gratuitement sur internet, comme accroche publicitaire, écrits par James Asmus et dessinés par Ty Templeton. le tome comprend aussi les 10 couvertures variantes, dont celles réalisées par Tony Millionnaire, Rian Hughes, et Rob Guillory.

L'histoire commence alors que Quantum et Woody viennent de passer par une fenêtre d'un étage en hauteur et vont vraisemblablement s'écraser sur quelques passants en dessous. La narration revient à un épisode de leur enfance au lycée, indiquant que malgré la différence de couleur de peau, ils sont frères, et que leur père Derek Henderson était du genre sévère mais juste.

Eric Henderson est un agent de sécurité compétent pour une entreprise privée. Woody Henderson est un bon à rien qui vit aux crochets des dames qu'il séduit, et qui ne rechigne pas à commettre de menus larcins (à commencer par piquer des portefeuilles) pour se faire de l'argent de poche. Leur père a été assassiné sur son lieu de travail, aux Laboratoires Quantum. Les 2 frères se retrouvent pour son enterrement, et la bagarre s'en suit rapidement.

La superbe couverture de Ryan Sook met tout de suite le lecteur au parfum : la dérision est de mise. Si, il suffit de considérer cette chèvre et le titre pour s'en rendre compte (sans même avoir besoin de connaître l'itération précédente de 1987, créée par de Christopher Priest & Mark D. Bright (voir Quantum and Woody by Priest & Bright Volume 1: Klang). L'onomatopée prononcée par Woody est donc un clin d'oeil direct au titre de l'histoire initiale de 1987.

James Asmus fait le nécessaire pour donner de l'épaisseur à ses personnages : il y a plusieurs retours en arrière pour observer différentes séquences définissant la relation entre ces 2 frères (Eric fils naturel de Derek et noir, Woody adopté et blanc). le scénariste joue sur l'opposition entre le fils sérieux et studieux, et l'autre bon à rien et dissipé, tout en sachant insuffler assez de personnalité à l'un comme à l'autre, pour dépasser la simple collection de lieux communs. le lecteur se prend vite d'intérêt pour le ressenti de ces frères si dissemblables, ainsi que pour les difficultés que rencontre ce père, parent unique, pour les élever. Asmus ne se contente pas de la dimension comique ; il sait y adjoindre une fibre dramatique légère qui donne plus de relief aux personnages.

James Asmus base la dynamique entre les 2 frères sur celle du clown blanc et de l'auguste, Woody disposant d'une tchatche épatante, au service d'un culot éhonté. le lecteur apprécie l'habileté avec laquelle il met en oeuvre ses combines à la sauvette qui ne lui rapporte pas lourd, comment il fait preuve de constance dans ses mauvais choix, et la manière gracieuse avec laquelle il ose tout. Eric Henderson ne passe pas pour un idiot, mais il est dans un registre psychorigide, et se laisse embobiner une fois sur deux dans un plan foireux de son frère.

Le scénariste n'en oublie pas pour autant de raconter une histoire suivant une trame solide : les 2 frères enquêtent sur la mort de leur père, et acquièrent des superpouvoirs qui sont convoités par une organisation secrète ERA (Edison's Radical Acquisitions, menée par une femme appelée la Vieille Bique, The Crone en VO), déjà sur l'affaire depuis plusieurs décennies (avec un agenda bien cynique). Asmus trouve un équilibre satisfaisant entre les scènes de comédie, celles loufoques, et l'intrigue pour que le lecteur puisse s'intéresser à cette dernière et qu'elle ne tourne pas au n'importe quoi. L'humour donne le ton, avec des gags alignés sur un rythme soutenu, faisant souvent verser le récit dans la parodie, avec un zeste d'absurde. Cette dernière composante est en particulier incarnée par la chèvre (présente sur la couverture) dont le lecteur se rend compte à la fin qu'il aurait apprécié de la voir plus.

Il est visible que Ryan Sook s'est bien amusé à peaufiner ses couvertures mettant en scène le caractère exubérant de Woody, mais comme il est souvent de coutume dans les comics, ce n'est pas lui qui dessine l'intérieur. Tom Fowler réalise des dessins de type réaliste, avec une densité d'informations moyenne. Il dessine les décors quand la séquence l'exige, il s'en affranchit plusieurs cases durant dès que c'est possible (scène de dialogue, ou arrière-plan uniquement occupé par un nuage de poussière). Lorsqu'ils sont représentés, il présente un niveau de détails satisfaisant : panneau de communication dans les couloirs du lycée, aménagement sommaire dans la piaule de la jeune femme auprès de qui Woody tape l'incruste, appareillage technologique bizarre dans les laboratoires Quantum, installation d'anticipation dans le repère d'ERA, sans oublier la vingtaine de pochettes sur la version initiale du costume de Quantum.

L'artiste réalise ses dessins avec des traits un peu déliés, ce qui lui permet d'apporter une légère exagération aux expressions des visages, les rendant très expressifs, en termes de surprise, ou de sourire enjôleur (surtout pour Woody s'apprêtant à embobiner son interlocuteur). de fait, il trouve lui aussi un point d'équilibre satisfaisant entre la représentation littérale premier degré des actions et des gestes que réalisent les personnages, et une forme discrète d'exagération pour souligner les moments comiques, les réparties qui font mouche, ou encore les comportements décalés. Il arrive même à intégrer la dimension absurde des actions de la chèvre, alors que le scénariste élève fortement le niveau en termes de suspension consentie d'incrédulité.

Le scénario de James Asmus requiert également que le dessinateur mette en scène des moments d'humour purement visuel. Fowler prouve qu'il dispose d'un sens du découpage assez sûr pour réussir ces scènes, avec un rythme bien maîtrisé, insérant les éléments visuels avec un placement mesuré, et une chute bien amenée. Dans le premier épisode, le lecteur s'aperçoit qu'il est en train de contempler Woody en train de se soulager dans la baignoire, ou encore faire les poches d'un passant avec un naturel confondant.

Régulièrement, la chute d'un gag occupe la dernière case de la page, Fowler arrangeant la disposition des cases et les changements d'angle de vue de manière à obtenir un contraste visuel fort entre la page et la chute finale, pour augmenter l'effet comique. Il sait également mettre en scène un sous-entendu visuel pour des blagues plus délicates (mais pas forcément plus fines). Ainsi le processus d'acquisition de leurs pouvoirs laissent Eric et Woody dans le plus simple appareil, l'un des deux ayant une réaction physiologique des plus embarrassantes (oui, même entre frères, et oui, même si l'un des deux a été adopté).

Parmi les bonus, le lecteur garde en mémoire la couverture de Rian Hughes, mi-dessin, mi-logo, ainsi que celle de Rob Guillory, dessinateur totalement adapté à rendre compte de la démesure de la Chèvre (il n'y a qu'à penser à son Poyo dans la série Chew). Les 7 gags en 1 page sont écrits par James Asmus qui promeut le retour de Quantum & Woody, avec dérision et second degré, aidé par des dessins sympathiques de Ty Templeton.

Ce premier tome tient ses promesses, à la fois en termes d'humour, et d'intrigue, avec des dessins efficaces et des planches bien conçues. le lecteur aurait apprécié un grain de folie plus développé que ce soit dans le scénario ou dans les dessins. 4 étoiles avec une forte envie de lire le tome suivant.
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