AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de thedoc


Le Lutetia, c'est ce mythique palace situé rive gauche à Paris et dont l'histoire est intimement liée à la grande Histoire. Nous sommes en 1938 et aux côtés d'Edouard Kiefer, ancien flic des Renseignements Généraux, aujourd'hui détective et responsable de la sécurité de l'hôtel, nous sommes les témoins des soubresauts de l'histoire de la Seconde guerre mondiale.
Nous découvrons tout d'abord par l'intermédiaire de Kiefer la vie quotidienne de l'établissement, qui avant-guerre accueille une riche clientèle aux lubies souvent extravagantes, des artistes et réfugiés politiques, souvent des habitués qui se lient plus ou moins avec le policier. Kiefer constituera d'ailleurs des fiches sur tous ces clients entrant au Lutetia, les conservant précieusement dans sa chambre. Nul recoin de l'établissement n'a de secret pour cet homme qui sait porter sur chacun des clients un regard attentif.
Vient le temps de l'Occupation. le Lutetia est alors réquisitionné par l'Abwher, le service des renseignements et d'espionnage allemand. de nouvelles figures arrivent, de nouveaux visages, sinistres, et de nouveaux compromis… Artistes et officiers nazis se croisent, le petit personnel côtoie trafiquants et canailles du marché noir. Kiefer, lui, garde ses positions et surtout, sa morale. Il n'est pas dans l'engagement, loin de là. Et il n'est pas non plus de ceux qui se donnent à la collaboration. Neutralité, tel est son mot d'ordre. Dans cette période trouble et malsaine, l'enjeu est de ne pas trahir ses convictions profondes.
Puis vient le temps de la Libération. le Lutetia, antre du mal sous l'Occupation, se transforme en refuge et en accueil des rescapés des camps. Tout un symbole, comme une rédemption pour l'hôtel. Les uniformes SS font place à ces pâles fantômes revenus du royaume des morts. Les murs se recouvrent de photographies où l'on scrute inlassablement, fiévreusement le visage du disparu. Une nouvelle fois, Kiefer est là et observe.

A travers l'histoire du Lutetia, Pierre Assouline nous présente tout son talent de journaliste, de biographe et de romancier. Avec une érudition remarquable mais jamais ennuyeuse, il sait mêler la réalité historique au plaisir de la fiction. Son personnage est de ces héros modestes et pudiques, infiniment humain dans toute son ambiguïté et dans le regard qu'il porte sur ses pairs. Agir ou ne pas agir contre l'Occupant ? Sera-t-on jugé sur ce que l'on a fait ou pas ? Un choix terrible auquel on ne peut s'empêcher de penser. Depuis le hall de l'hôtel, les couloirs, les salles de réception, les sous-sols et les balcons du Lutetia, Kiefer est un témoin de son époque. Avec lui, le lecteur fait un voyage dans le temps et assiste aux sombres épisodes qui ont jalonné l'Occupation : l'antisémitisme, les rafles, les tortures, les déportations. La partie consacrée au retour des déportés est notamment empreinte d'une extrême émotion.
Dire que j'ai aimé ce livre serait peu dire. Guidés par les mots d'un remarquable romancier, nous sommes emportés dans la petite comme dans la grande histoire. Emotion et précision ponctuent tout le récit. Un TRES grand livre.

Commenter  J’apprécie          202



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}