J’ai succombé à sa bonté. Maintenant je reste attaché à elle et à son humaine image comme un ruban adhésif. J’ai quelque chose dans la gorge qui pèse et blesse et que je ne peux avaler, comme une concrétion de larmes, une sorte de boule de cristal où tant de choses peuvent s’entrevoir. La lumière bleue de la neige dans les yeux bleus de Jean. La corne de la lune courbée comme son sexe. Sur son visage penché au-dessus de moi un rictus de sorcier sculpté par le feu et l’ombre. Ses paumes charnues d’où monte l’odeur du thym vers mes narines. La résille des branches du chêne dévêtu, capricieuses comme les mèches de Jean. La souris qui contemplait notre étreinte.
Jean ouvre les yeux. « Hmm ! Tu as fait du feu et ça sent bon le café. » Il est souriant. Il a bien dormi. J’arrête mon dessin et il se met d’un bond sur ses jambes. Il enlève son linge et commence à se savonner. Ça fait un moment que je ne l’ai pas vu nu en pied. Le feu joue sur sa peau. J’aimerais bien le dessiner ainsi. Il frotte son torse bosselé et hardi, son sexe, ses cuisses drues, puis, il laisse couler l’eau froide de la casserole tout le long de ses membres, de son buste, sur son cou. «Brrrr! ça réveille, ça décape. Tu devrais essayer, mon vieux. – Un jour j’essayerai. – Quand ça ? L’été prochain ? » Bon, je me déshabille et je me place entre lui et le feu. « Vas-y », dis-je en fermant les yeux et en serrant les dents.