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Critique de 4bis


Ceux qui ont l'amabilité de me suivre savent que cette critique s'intègre dans un dispositif exploratoire plus large requérant une rigueur et un esprit scientifique des plus élevés. Pour les autres, il vous faudra apprendre que, lors de ma lecture de la Souris bleue, j'ai constaté d'étranges phénomènes que j'ai, en attente de définition plus appropriée, appelés « contaminations ». L'environnement immédiat dans lequel j'ai baigné ce roman (ma bibliothèque) a en effet paru avoir une influence certaine sur le déroulé de ce dernier.
Mue par une soif inextinguible de connaissance, armée d'une méticuleuse détermination, j'ai entrepris de poursuivre l'expérience avec la suite Les choses s'arrangent mais ça ne va pas mieux, en m'attachant particulièrement aux intrants que je mettrais en contact avec l'objet de mon étude. J'ai donc laissé le livre au pied de mon lit. Ca a l'avantage de limiter le nombre d'objets influenceurs à ceux qui attendent d'être lus et de rendre le roman tout à fait accessible à la consultation.
Aguerrie par la fréquentation antérieure de la Souris bleue et bardée de toute ma résolution, je ne me suis pas laissée démonter par l'incipit qui met en scène une malencontreuse collision à Edimbourg entre deux voitures et la sévère bastonnade qui s'en suit. Cela ne sera qu'une digression avant même le début me suis-je dit. J'ai sagement attendu que Jackson Brodie surgisse. Bon, ça a mis un peu de temps. Mais dans la Souris bleue aussi. Sa présence en Ecosse s'explique par le rôle mineur qu'a décroché la belle Julia dans une avant-gardiste et conséquemment confidentielle mise en scène à l'occasion du fameux festival de théâtre d'Edimbourg. Dans la programmation off, bien sûr. Aux frais de Brodie qui régale toute la compagnie, forcément.
Outre notre ami Jackson, nous rencontrons très vite le falot Martin, l'insupportable Richard Moat, pseudo comique et véritable pique assiette, la délaissée Gloria et quelques autres personnages qui se sont présentés comme autant d'occasion de digresser. Mais vous pouvez compter sur moi, je les avais à l'oeil !
Page après page, j'ai guetté. C'est le petit Martin qui m'a semblé très vite attirer tous les soupçons. Caché sous un pseudonyme ronflant, c'est l'auteur d'une série de romans policiers parfaitement lisses et conventionnels. Son existence désespérément morne et ses aspirations à commencer enfin à vivre en faisaient, d'après mon expertise, le support idéal à moultes échappées narratives.
Mais tenir une piste ne veut pas dire que l'on doit lâcher les autres et c'est donc un oeil sur les potentielles élucubrations de Martin et le second balayant le sort de tous les autres personnages que j'ai continué ma lecture. C'était assez inconfortable et il faudra que je provisionne le budget pour quelques séances d'orthoptiste suite à cette expérience mais que voulez-vous, la science n'a pas de prix. Et, sachez-le, chers amis, l'effort et la peine sont toujours récompensés. Je commençais à fatiguer légèrement de l'oeil gauche lorsque le narrateur a confessé la passion de Brodie pour… les chevilles. Ah mon bonhomme, tu es fait comme un rat ! me suis-je exclamée en mon for intérieur. Car il n'aura pas échappé au fin limier que je suis que, dans la Souris bleue, ce sont les pieds qui animent les fantasmes de notre ex-inspecteur ! Des pieds aux chevilles, insidieusement, la projection fantasmagorique nous baladait. Était-ce la station au pied de mon lit qui expliquait que ce livre ne puisse contenir de fantasme pédique et qu'il lui faille migrer vers l'articulation du dessus : la cheville ? le tome suivant continuerait-il la migration fétichiste et un chemin vers le genou, la hanche, la rate, l'appendice, que sais-je ? se dessinait-il ? Oh comme tout ceci est palpitant !
Pendant que je me livrais à ces doctes réflexions, la narration continuait d'avancer. Un mort, des bagarres, des voitures aux vitres sombres… tout ça sentait son polar traditionnel mais n'allait pas me duper longtemps. Aiguillonnée par cette fructueuse première piste, je cherchais le moment où ma housse de couette, mon réveil, mon oreiller peut-être, allaient faire irruption dans l'intrigue. Intrigue, qui je dois bien l'avouer, commençait à ressembler à vraiment n'importe quoi. Pas tant du côté des digressions même si ce brave Martin yoyotait grave, mais pas à la manière abyssale d'Amélia dans la Souris bleue, c'était une forme d'azimutage plutôt horizontale, comme s'il faisait des ronds dans l'eau dans une pataugeoire…, non pas tant du côté des digressions donc que de la probabilité des événements narrés. Sans vouloir tout vous raconter, vous le découvrirez vous-mêmes avec plaisir je l'espère, les coïncidences succèdent aux invraisemblances avec une décontraction qui frise la provocation. Des personnages qui n'ont rien en commun se retrouvent reliés par une chaine causale hautement fantaisiste tandis que les attentes les plus légitimes quant à ce qui devrait normalement se produire sont systématiquement déçues. C'en est au point que Jackson lui-même finit par en avoir la puce à l'oreille : « il se dit trop c'est trop, vraiment. Quand l'homme à la Honda [bip bip bip (je censure pour pas vous gâcher le suspense)], Jackson commença à se demander s'il participait à un nouveau genre d'émission de téléréalité, un cocktail de Caméra invisible et de jeu de rôle dont les participants s'amusent le temps d'un week-end à jouer le détectives après un meurtre fictif. » Et notre détective préféré de supposer que rien de ce qu'il a vécu n'est réel…
Voilà, voilà… donc maintenant, on a un personnage de papier, le principal si l'on veut, qui ne croit pas à la réalité de ce qu'il vit. Et il serait difficile de le détromper car, effectivement, on ne peut pas dire que la vraisemblance soit la qualité majeure des événements relatés…

Mais… Mais… Mais… un doute m'étreint…

Ciel ! Je me suis fait berner comme un bleu ! Là où je traquais la piste des digressions fantaisistes, c'est au coeur de l'intrigue que mon lit s'en est pris !
Il parait qu'il y a une suite… je vous avoue ressentir une certaine lassitude face à tant de forfanterie et réclame une pause dans cette traque impérieuse. C'est qu'il faut s'attendre à tout et que la fiction est un adversaire redoutable ! Mais je n'ai pas dit mon dernier mot et j'y reviendrai, vous verrez, un jour, j'y reviendrai !
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