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Critique de frandj


Dans ce livre, la question fondamentale (et conceptuellement excitante) « le monde s'est-il créé tout seul ? » n'est pas considérée sur un plan religieux. Elle a été posée à plusieurs scientifiques de très haut niveau. Ils y ont répondu en fonction de leurs compétences et accessoirement de leurs convictions. Dans leurs réponses (argumentées), ils indiquent leur position personnelle vis-à-vis du principe anthropique "fort". Rappelons que, selon ce dernier, la vie biologique et la conscience humaine auraient été présentes, en puissance, dès le début de l'Univers. Si on admet cette formulation, une force créatrice (que l'on peut nommer Dieu) doit avoir présidé à la formation du cosmos.

En fait, seul un des scientifiques interrogés considère clairement le principe anthropique "fort" comme valide: l'astrophysicien Trinh Xuan Than. Pour justifier sa position, celui-ci développe notamment des considérations qui ne sont pas nouvelles mais qui restent troublantes. Les constantes fondamentales de la Nature et les conditions initiales de l'Univers semblent avoir été très exactement "ajustées" pour satisfaire toutes les conditions nécessaires à l'apparition de la vie telle que nous la connaissons; la probabilité pour que ces conditions soient réunies est moins qu'infime, donc ce n'est pas un hasard.
S'exprimant à sa suite, I. Prigogine prend le contrepied de l'astrophysicien en considérant les "structures dissipatives". Dans ces systèmes, loin de l'équilibre thermodynamique, la dissipation de l'énergie et de la matière peut devenir spontanément une source d'ordre. Ces phénomènes sont rares en physique, mais I. Prigogine cite un exemple trivial: les "courants de Bénard", apparaissant dans l'eau d'une casserole (chauffée par-dessous et refroidie par-dessus) correspondant à une convection macroscopique a priori hautement improbable. Les "structures dissipatives" sont beaucoup plus fréquentes dans les systèmes vivants (hors équilibre). La création est pour lui un phénomène fluctuant, probabiliste, irréversible, présentant des bifurcations; le principe anthropique "fort" n'est donc pas pertinent, selon lui.
J.-M. Pelt est un scientifique qui a la particularité d'être chrétien; mais il distingue très bien les domaines de la science et de la spiritualité. Ainsi, il se déclare hostile au principe anthropique "fort" et aux divers courants créationnistes. J. de Rosnay, lui, rejoint grosso modo les positions de Prigogine, en insistant sur la notion d'auto-organisation. H. Atlan, autre contempteur du principe anthropique "fort", explique qu'aucune différence fondamentale n'existe entre l'inanimé et l'animé (celui-ci présente seulement un degré d'organisation supérieur). A. Jacquart, pour sa part, nie qu'on puisse raisonner sur l'instant zéro (il est situé hors du temps, car il n'y a pas de... "avant"); cet instant est d'ailleurs rejeté à moins l'infini si l'on utilise une échelle logarithmique.

Ainsi, ces scientifiques ont des positions assez différentes sur la question posée initialement. Justifiant leurs réponses dans le cadre de leurs études personnelles,les personnes interviewées s'éloignent parfois du coeur du sujet soulevé. Malgré tout, le livre m'a semblé vraiment intéressant. Force est de reconnaitre que les avancées assez récentes sur des "structures dissipatives" et sur l'auto-organisation mettent en difficulté les tenants du principe anthropique "fort".
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