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Critique de kuroineko


"Femmes des années 80'
Femmes jusqu'au bout des seins..."
Dans la version Margaret Atwood, ce n'est pas tout à fait ça; tu peux remballer, Michel.

La servante écarlate est en effet beaucoup de choses, mais drôle, non. La Canadienne signe ici une dystopie glaçante et effrayante de par son potentiel réaliste. La narratrice, Defred, est une Servante. Depuis le coup d'État qui a institué la République de Gilead, d'ordre théocratique,  les femmes n'ont plus aucun droit. Interdiction de lire, d'écrire, de posséder un compte bancaire, de se promener seule. Elles sont désormais classées selon leurs fonctions ou leurs catégories sociales. Un code vestimentaire les distingue clairement : robe verte pour les Marthas (esclave ménager), robe bleue pour les Épouses, robes rayées pour les Econofemmes (épouses de petit rang). Et bien sûr, robe écarlate pour les Servantes.

Celles-ci sont destinées à procréer, dans un monde occidental au taux de natalité toujours plus faible, en vertu d'un passage de l'Ancien Testament où, une femme étant stérile, elle incite son mari Jacob à faire un enfant à sa servante sur ses genoux d'épouse, afin que le bébé lui revienne. Voilà pourquoi les Servantes se retrouvent réduites à l'état "d'utérus sur deux pattes" comme se définit elle-même Defred. Tordu? Si peu...
Son nom même ne lui appartient pas puisqu'il s'agit de marquer qu'elle appartient au commandant Fred. Avant de changer d'affectation et devenir une autre De-quelque chose.

Religion et religiosité exacerbée sont partout. Tout comme la suspicion et le danger d'être considéré comme un dissident. D'ailleurs, Gilead est en guerre, pour se débarrasser des baptistes, quakers et toutes autres sectes. Des barrages avec des Gardiens de la Foi surveillent tout et tout le monde. La dictature religieuse se maintient le fusil à la main. Surtout en ces débuts de la révolution fondamentaliste où tous ont vécu une autre vie en liberté, ce qu'on s'acharne à vilipender de toutes les façons.

Le ton employé par Defred pour narrer son histoire est volontairement neutre et dénué d'émotions. Même quand elle se rappelle son mari et sa fille, elle repousse toute sensibilité. Trop dangereux, les émotions. Trop douloureux. Et dans la chambre qui lui est dévolue, tout a été pensé pour qu'elle n'attente pas à ses jours.

Malgré la froideur relative du récit, La Servante écarlate se lit avec ardeur et passion tant Margaret Atwood maîtrise son histoire de bout en bout. Sa dystopie reste ancrée dans le quotidien du milieu des années 80, ce qui rend son impact encore plus fort.
Et quand on entend un certain Kavanaugh, nouvellement élu juge à la Cour Suprême des États-Unis s'insurger contre la pilule contraceptive, méthode d'avortement par anticipation à rendre prohibée selon lui, il y a de quoi réfléchir à ce roman visionnaire et à l'évolution des idéologies religieuses poussées vers plus d'extrémisme petit à petit. Beaucoup plus terrifiant que toutes les attaques possibles de zombies, vampires et compagnie!
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