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Critique de deidamie


« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'une célèbre autrice canadienne…

-Ouaaaaaais ! La servante écarlate ! La servante écarlate ! J'adore La servante écarlate !

-Non.

-Ooooooh, pourquoi ?

-Parce qu'il y a déjà cinquante mille critiques, je vois pas ce qu'on pourrait ajouter de plus. Bref. Comme vous l'avez deviné, on va parler de Margaret Atwood avec…

-C'est le coeur qui lâche en dernier ! C'est son avant-dernier roman, toulmonde l'a lu, faut qu'on fasse pareil !

-Non !

-T'es ch… pas marrante, Déidamie ! Pourquoi ?

-Parce que toulmonde l'a lu, que je fais ce que je veux, et que je voulais parler d'un livre dont justement on ne parle pas beaucoup. Alors ce sera La voleuse d'hommes, là.

Or donc, Tony, Roz et Charis (prononcez Karis), trois amies de longue date bien que toutes trois fort différentes, déjeunent entre copines. Elles papotent tout en rêvant à leurs vies respectives… quand soudain entre dans le restau une splendide femme, Zenia. Elles se voient et se reconnaissent. C'est le choc !

-Pourquoi ?

-Parce qu'elles l'ont enterrée des années auparavant. Et avant son décès, Zenia a pris soin de les faire beaucoup souffrir. Son retour va plonger le trio dans une grande confusion…

-Pfff. J'parie que ce ne sera pas aussi bien que La servante écarlate.

-Hé bien, j'ai retrouvé pourtant quelque chose qui existe déjà dans La servante… : la maîtrise de la structure. le texte de la Servante oscille sans cesse entre le passé révolu et le présent de Defred, n'est-ce pas ? Les deux temps étaient séparés en cases bien nettes.

Ici, Margaret Atwood nous propose une autre façon d'explorer le temps. Elle part du présent dans le restau, puis elle retourne dans le passé pour avancer petit à petit vers le dénouement.

-C'est lourd et absurde, Déidamie ! Zenia n'intervient pas avant leur âge adulte, quel intérêt d'aller explorer l'enfance des héroïnes ?

-Mais celui d'expliquer les failles que Zenia va exploiter pour parvenir à ses fins. Celui donner corps et cohérence aux personnages. Celui de montrer que ces trois femmes se débrouillent comme elles peuvent avec ce que la vie leur a infligé. Celui de peindre des caractères, chacun faible et puissant à sa façon. J'ai trouvé ces portraits très réussis : Tony, l'historienne, qui n'est jamais submergée par les émotions, dont la froide lucidité analyse tout ce qui l'entoure ; Charis, la… euuuh… j'ai du mal à qualifier Charis…

-La baba-cool complètement allumée ?

-Ce n'est pas gentil pour Charis. Charis, qui vit selon ses convictions ésotériques, trouve un sens à sa vie dans la pratique de la bonté et de la protection de la vie. Elle, en revanche, traverse des émotions beaucoup plus fortes et s'efforce de les canaliser. Roz, femme d'affaires redoutable, fortunée, calcule et négocie sans cesse… sans se rendre compte de l'arnaque, que dis-je, des arnaques dont elle est victime en privé.

-Moi, je trouve que ce titre, il est sexiste. Encore une femme qu'on va blâmer parce qu'elle couche avec qui elle veut !

-Non. Ce n'est pas absolument pas le propos. Zenia est un parasite, qui va sucer le sang de ses victimes avant de les quitter quand elles n'ont plus rien à offrir. Et avant de partir, elle va détruire et salir tout ce qui compte pour ses hôtes.

Le problème que pose Zénia ne se trouve pas dans son comportement sexuel. Il se trouve dans sa perversité. Elle n'est pas blâmable ni mauvaise parce qu'elle couche comme elle veut. Elle est répugnante parce qu'elle prend plaisir à blesser et à manipuler autrui.

Et l'une des grandes forces de ce portrait, exécuté en négatif parce qu'en effet on n'a que rarement son point de vue à elle, c'est qu'en dépit de sa noirceur, elle se révèle fascinante. Ses victimes ont envie de la croire et de la protéger. Elles se demandent longtemps quelle est la part de mensonge, de vérité. Et comme elles n'imaginent pas que le mal à l'état pur existe, elles tombent dans ses pièges.

Au fond, ça marche un peu comme les couples violents. Les victimes croient les excuses et justifications sincères, parce qu'elles ne parviennent pas à concevoir que la personne violente puisse être aussi malfaisante que ses actes.

Tu parlais de sexisme, au début ?

Ce roman le dénonce pourtant avec force. Tony éprouve mille difficultés à faire reconnaître ses compétences. La libération sexuelle emprisonne Charis. Quant à Roz, ses aventures sont décevantes : les hommes qu'elle rencontre ne sont pas capables de la satisfaire et je ne suis pas sûre qu'elle sache elle-même comment obtenir ce qu'elle désire. Les tabous et les non-dits continuent d'empoisonner les relations. L'indifférence à autrui aussi.

Les hommes dans ce roman se révèlent lâches, bêtes et décevants. Pas du tout à la hauteur de ces femmes qui, chacune à leur manière, subviennent à leurs propres besoins, matériels ou spirituels.

-Mouais. La tante de Charis n'est pas un modèle non plus, hein. le roman ne répond pas à une question essentielle, quand même.

-Laquelle ?

-Si les hommes sont aussi minables que ça, pourquoi ces trois persos ne semblent pas pouvoir s'en passer ?

-J'ai mon hypothèse, mais je ne la donne pas.

-Oh, alleeeeeez !

-Non. Ce sont aux lecteurs de se faire leur propre idée. Sans compter que je peux me tromper. Je termine sur un avertissement pour le lectorat sensible : ce roman contient quelques scènes d'abus sexuels. Peu détaillées, mais là tout de même. »
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