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Citations sur Luis Buñuel (13)

MAX AUB : J'ai toujours pensé qu'il y avait chez toi une dichotomie entre ta façon de penser et tes faits et gestes.
LUIS BUNUEL : Oui, c'est très curieux, mais c'est comme ça. D'un côté mes idées, de l'autre la réalité. Ce qui est sûr, c'est que pendant la guerre civile, tout ce que nous avions imaginé, du moins tout ce que moi j'avais dans la tête, l'incendie des couvents, la guerre, les assassinats : moi j'étais mort de peur; et pas seulement ça, en fait j'étais contre toutes ces choses-là. Je suis révolutionnaire, mais la révolution me fait peur. Je suis anarchiste, mais je suis totalement contre les anarchistes.
M.A. : Tu es communiste, mais totalement bourgeois.
L.B. : Oui, et je suis sadien, et somme toute un être parfaitement normal. Tout se passe dans ma tête, mais dès que l'occasion de réaliser mes désirs se présente, je prends la fuite et ne veux plus rien savoir.

P. 286
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[Luis Buñuel à Max Aub, sur la conception d'Un Chien andalou en collaboration avec Salvador Dalí]
Nous travaillions en parfait accord. Sans avoir décidé quoi que ce soit au préalable. Je t'ai dit qu'un matin nous nous sommes raconté nos rêves respectifs, c'est alors que j'ai décidé que cela pouvait constituer la base d'un film que j'avais en tête. [...] Nous travaillions en rassemblant nos idées, en les chassant quand elles ne nous plaisaient pas, soit parce que la succession des images était trop visible ou parce que, au contraire, elle paraissait trop tirée par les cheveux. Nous cherchions un équilibre instable et invisible entre rationalité et irrationnalité qui nous donnerait, grâce à ce dernier élément, la capacité de comprendre l'inintelligible, de réunir rêve et réalité, conscient et inconscient, fuyant tout symbolisme. Nous avons écarté beaucoup de nos premières idées, jusqu'à ce que Dalí imagine le cycliste dans sa caisse : "Excellent", j'ai dit et nous avons poursuivi dans cette voie. Il ne s'agissait pas d'assembler une image avec une autre en prenant pour base la raison ou la déraison, mais principalement de trouver une continuité qui puisse satisfaire notre inconscient, sans blesser la conscience, mais qui en même temps n'ait pas de relation directe avec quelque élément rationnel. C'est-à-dire, théoriquement, au plus proche de ce que Breton avait défini comme la fonction exacte du surréalisme. Dire qu'il n'y n'y a pas de fil conducteur logique dans Un chien andalou est faux. Sinon j'aurais dû découper le film en de simples flashs, mettre les différents gags dans plusieurs chapeaux et coller les séquences au hasard. Il n'en est rien. J'étais tout à fait capable de le faire, rien ne s'y opposait. Non, il s'agit simplement d'un film surréaliste où les images et les séquences se suivent suivant un ordre logique, mais dont l'expression dépend de l'inconscient, qui naturellement obéit à un certain ordre. Tu as bien entendu : inconscient, raison, logique, ordre. Quand le moribond tombe dans le jardin, il caresse l'épaule nue d'une statue de femme. C'est la conséquence normale de la chute; ce qui serait absurde, c'est que cette séquence précède l'autre. Nous utilisons nos rêves - il n'y a là rien de nouveau - pour exprimer quelque chose, pas pour en faire un galimatias. Un Chien andalou n'a d'absurde que le titre, ce n'est pas davantage un appel désespéré en faveur de l'assassinat [...]. Il n'a par ailleurs rien à voir avec Lautréamont. Il a beaucoup à voir avec Dalí et avec moi-même, avec notre façon d'être, avec nos rêves.

P. 128
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... je préfère mélanger le jour et la nuit, le rêve et la raison, la vérité et le mensonge, afin de m'approcher masqué de la vérité inatteignable.
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Ce qui comptait dans notre jeunesse, c'était que l'art n'en soit pas, mais qu'il pèse du seul fait d'exister.
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Nous avons été; nous n'appartenons plus à l'histoire. L'histoire est faite de cendres. Nous ne sommes pas vieux ni mis au rebus; les gens oublient, tout simplement. Nous disparaissons et c'est par pure charité que persistent élégies et lamentations. La peinture – si elle est bien conservée et qu'elle est de bonne facture – laisse une trace, le bronze tout autant. L'histoire est une semi invention et avec le temps elle devient une vérité variable, qui dépend de notre présent. L'ignorance prévaut. Les érudits sont chiffonniers ou quincaillers, qui exhibent leurs trouvailles en vitrine. L'histoire est revêtue de haillons. La musique est de tous les temps, elle résonne au gré de la mode, c'est l'histoire vraie de la plupart des hommes. Peut-on appeler progrès un bien-être qui risque de s'achever demain du seul fait d'exister? Je n'y vois aucun inconvénient, mais ce n'est pas la panacée. Les hommes s'entretuent pour des choses sans importance. Ne sachant pas ce qu'ils veulent, ils y remédient au moyen du rêve et de l'oubli. Les hommes passent. Cela a été pointé par quelques talentueux poètes.

P.22
Traduit par Claude de Frayssinet
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“La morale est l'épine dorsale des imbéciles.” Francis Picabia
Tombeaux et Bordels
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Federico García Lorca
Lorsque Federico dit à Buñuel: "Tu es un Aragonais tête de mule", cela sent l'amour, l'amitié. Lorsque Luis Buñuel déclare que personne n'a eu autant d'influence sur lui que García Lorca, bien qu'il émette de grandes réserves sur son oeuvre, c'est la vérité. Autre chose sur laquelle ils se retrouvent, leur passion pour les insectes. (…)
Aujourd’hui, personne n’aurait l’idée de réunir les noms de García Lorca et de Buñuel, et pourtant nul n’ignore l’énorme influence que le poète de Grenade a exercé sur le cinéaste aragonais. Personne ne l’a autant marqué. C’est Luis Buñuel lui-même qui l’affirme, Federico lui a fait découvrir un autre monde. Sans le poète du Romancero Gitano, Un chien andalou n’aurait pas existé. Dalí, grandit lui aussi partiellement dans le giron de Federico. Ce dernier n’était pas lié au surréalisme, mais il fut le père de deux surréalistes espagnols (et d’une fraction d’un troisième: Pablo Picasso). Je sais que l’on raconte ici ou là qu’il subsiste des poètes et des peintres surréalistes. (…) Mais les surréalistes de qualité -car ils ont existé, surgis des entrailles de la Terre entre 1924 et 1932- sont ceux qui ont élu domicile à Paris. Quelques jeunes gens ont partagé leurs idées à Madrid ou à New-York -n’oublions pas qu’ils voyageaient-, mais « du fond de leur coeur » ils n’étaient pas surréalistes. Sans oublier quelques fantômes argentins et des spectres comme Marinetti et Gómez Carrillo.
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Il a tourné Un chien andalou avec l'argent de sa famille, L'Age d'or grâce à celui d'un couple d'aristocrates et mécènes au goût certain, les vicomtes de Noailles, Terre sans pain, avec les bénéfices inespérés d'une loterie gagnée par un anarchiste; mais il lui a fallu attendre dix-huit années avant qu'un producteur intelligent et un peu joueur lui offre la possibilité de réaliser Los Olvidados, après le joli succès de l'une de ses réalisations commerciales, Le Grand noceur. Le commerce ne signifie pas toujours que l'on soit obligé de se vendre. Buñuel a réalisé quelques films sans trahir son code personnel: pas d'éloges à la famille, à la patrie, ni aux lieux communs de la bourgeoisie.
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A quoi bon le décrire? Il a été maintes fois photographié. Il n'a jamais quitté son enfance et sa jeunesse. Fidèle à lui-même, il l' a été vis-à-vis des autres dans la mesure où ces derniers ont agi comme il a estimé qu'ils devaient agir. Il se met facilement en colère, aussi facilement qu'il oublie et passe à autre chose. Il sourit beaucoup parce qu'il est sourd d'oreille.
"- Les grands sourds sont aragonais.
- Quoi?
- Les grands sourds aragonais.
- Ah, oui!
- Goya...
- C'est vrai. Les trois grands sourds aragonais.
- Qui ça?
- Goya, Beethoven, et moi.
- Ah bon. Je ne savais pas que Beethoven était aragonais.
- Non?
- Non.
- Eh bien, tu le sais maintenant."
Il adore voir les visages stupéfaits, ou furibonds.
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Un regard fixe, une grosse voix, des rides profondes -dues à l'âge-, de grandes oreilles, futiles, un front puissant, une certaine démarche (penché en tant et des bras ballants, il semble traîner ses pieds en dedans); un nez de boxeur encore à moitié cassé, des cernes sous les yeux qui ont besoin, c'est bien logique, de lunettes de vue; toujours grand amateur de bons plats, espagnols et français- ses choix lui appartiennent: tel est Luis Buñuel.
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