AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Escapist


Découvert dans le cadre de la "Masse Critique", je me suis laissé tenter par la richesse de la couverture et la promesse d'un livre historique tout en appréhendant de me perdre dans ce cinquième volume de la Saga des Limousins. Mais l'éditeur a visiblement pensé à tout puisqu'il propose à son lecteur, une fois la première de couverture tournée, un résumé des tomes précédant. J'aurai pu dire un "rapide" résumé, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Bien qu'ils nous renseignent sur les événements ultérieurs du cycle Limousin, ces synthèses nous embrouillent plus que nécessaire dans un imbroglio de noms qui ne cessent d'augmenter au fil des tomes et de faits (d'armes ou maritaux) qui s'enchaînent avec une étourdissante rapidité. Et le comble apparaît avec le résumé du quatrième tome qui ne s'étend sur pas moins de 4 pages.

C'est donc assez chamboulé que l'on entame le premier chapitre de ce tome, en s'attendant à se perdre dans une suite confuse de noms. Et là c'est pourtant une agréable surprise: l'auteur a réussi à nous inscrire immédiatement dans l'histoire du seigneur de Châlus, Lou de son nom, par un style littéraire assez simple et de fait très accessible. C'est probablement un point que l'on peut reprocher à Yves Aubard d'ailleurs: un langage assez dépouillé, voire prosaïque mêlant une verve très moderne à des expressions typiquement médiévales. Un mélange des styles qui n'est pas sans bouleverser le lecteur, si ce n'est le déranger.

Quoiqu'il en soit, le cadre historique est posé et l'on se plonge avec plaisir au commencement de l'ère féodale. L'histoire ne se perd pas en fioritures et l'action commence immédiatement une fois le premier chapitre entamé. le lecteur s'immisce alors au coeur de la vie de Lou, seigneur de Châlus qui part à la conquête de ses origines. En parallèle, des intrigues naissent au sein de sa famille, et notamment de ses enfants, et rapidement chaque membre part missionner, certains pour le compte du roi Robert Ier en personne. Les personnages sont rapidement caractériser par un tempérament bien personnel et l'on s'attache tout particulièrement à la jeune femme Isabelle et son viking de mari, Bjarni. Il est cependant encore complexe de repérer les personnages en ces premières pages, d'autant plus que certains portent exactement le même prénom. Une fois la confusion passée et les personnages enfin repérés, on prend assez facilement goût aux voyages menés à travers l'Europe et aux amusantes discussions entre les protagonistes qui rivalisent de réparties.

Il y a malheureusement une trop grande rapidité dans le déroulement des actions, ce qui porte parfois à égarement. Ainsi les personnages, bien qu'au XIe siècle, voyagent de l'Angleterre en France en l'espace d'une seule ligne. L'histoire aurait gagné en profondeur et en réalité si ces moments avaient été plus décrits. Il en est de même pour les batailles qui s'enchaînent sans laisser le temps au lecteur de souffler. C'est à croire que l'auteur a voulu condenser beaucoup d'événements en peu de pages, quitte à négliger des détails et des descriptions.

Si nous côtoyons dans ce livre le Roi en personne, avec une familiarité parfois étonnante, les modes de vie ne sont guère décrits. le plus souvent, la promiscuité entre les personnages et l'aplomb de certain envers leur suzerain est déconcertante. Ce tome refuse clairement les formalités.

Il n'empêche que si l'histoire ne suit pas un fil conducteur bien précis, avec une trame directrice, et que la famille de Châlus se laisse porter par des événements indépendants à sa volonté, le dynamisme d'écriture et les allusions portant à sourire incitent le lecteur à poursuivre sa lecture. Ainsi, à l'image du titre, nous voyageons de Barcelone à Ispahan à la recherche de vérité ou tout simplement poussés par la camaraderie des personnages. Nous faisons alors la connaissance de personnages attachants et découvrons avec étonnement les prouesses scientifiques et les connaissances médicales assez pointues de l'époque, tout en souriant devant la naïveté attendrissante de certaines situations.

Ce roman fait également la part belle aux femmes qui, loin d'être acculées dans un rôle de pure matrice, sont de véritables personnages au caractère bien trempé. Néanmoins, il ne s'agit que de l'histoire de familles royales et seigneuriales et non de celles du bas peuple. Il est cependant vrai qu'au cours de ce roman, les mariages et les naissances vont bon train, au détriment d'un approfondissement des sentiments naissants entre les personnages.

Quoiqu'il en soit, la fin du roman est particulièrement intéressante, avec un suspens soutenu par la menace de décès infantiles. Il s'agit en effet pour Jean, fils de Lou et médecin royal, d'affronter un mal particulièrement néfaste et sans remède connu, que l'on nomme de nos "appendicite". Si ce cinquième tome avait commencé par les pérégrinations de Lou, le personnage a rapidement perdu de son importance vers le milieu de l'histoire, avant de resurgir au cours des derniers chapitres, promettant une suite aux aventures de la famille Châlus.

L'édition se complète alors par des annexes fort intéressantes, bien qu'arrivant un peu tardivement. On retrouve donc un tableau récapitulatif de toutes les dates des événements de l'ouvrage, de commentaires véridiques sur les divers éléments du roman (des synthèses sur les Vikings, la maladie de l'appendicite ou encore sur des personnages). Enfin arrive une liste de tous les personnages de l'histoire, avec un rapide descriptif. C'est une intention fort judicieuse, bien qu'il aurait été plus pratique de la placer au début du roman, de façon à se familiariser avec les protagonistes. Pour terminer le roman, un arbre généalogique des familles (soutenues par leur blason) et une carte répertoriant les événements de ce cinquième tome, viennent compléter l'ouvrage. La carte est particulièrement intéressante par sa simplicité et sa pertinence.

De fait, après avoir terminé la lecture du cinquième épisode de la Saga des Limousins, et sans avoir lu les quatre précédant, je reste assez mitigée. le manque d'histoire concrète et l'effusion excessive d'actions gênent l'harmonie de l'ouvrage et prennent le pas sur des descriptions manquantes et qui auraient pourtant apporté plus de profondeur à l'histoire et notamment aux personnages dont le traitement reste assez distant et froid. La camaraderie soutenue entre les personnages, et notamment envers les membres royaux, est aussi importune, tout comme le manque de précision sur les modes de vie et les objets quotidiens. Il est possible que ce soit mon intérêt tout particulier pour l'Histoire qui me pousse à reprocher ce manque d'apports historiques, ou tout au moins le fait qu'ils ne soient pas assez fréquents. Les connaissances et les découvertes médicales sont toutefois vraiment intéressantes et prenantes et la lecture se poursuit avec une certaine légèreté grâce à l'entrain dynamique des personnages. L'idée d'ancrer des figures historiques dans une fiction, interagissant avec des protagonistes purement fictifs est vraiment intéressante et permet une approche différente de l'Histoire. Il n'en reste pas moins que le style décontracté de la plume de l'auteur, malgré sa volonté de parsemer le texte d'idiomes médiévaux, empêchent quelque peu de se plonger complètement dans le XIe siècle, siècle riche en rebondissements, perturbé par les invasions musulmanes et coeur des enjeux politiques royaux du Moyen Âge.
Commenter  J’apprécie          91



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}