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Critique de Matatoune


Jean-Michel Audoual signe avec Bleu intense le récit émouvant d'une fillette mutique qui va devoir lutter avec sa parole pour lever le silence qui règne dans sa famille.

Voici Mickaëlla Pou ! Ça ne s'invente pas ! Ça commence en claquant comme Mick Jagger et ça peut finir en harcèlement de cours de récré. C'est le nom d'une enfant de dix ans, passionnée par les mots au point de les collectionner, de les savourer et de les déguster. Il en va de même avec les expressions qui s'animent soudain pour elle seule d'une vie autonome. Autant vous dire qu'elle n'a pas sa langue dans sa poche ! Ça carbure sec dans sa tête, au point qu'elle doit les faire stationner dans son cahier rose, « un peu gonflé à cause de ces larmes dans l'interstice des lignes ».

Seulement voilà, on ne sait vraiment pas pourquoi, Mickaëlla est dite mutique, alors qu'elle raconte son histoire avec les mots de Jean-Michel Audoual. Ceci dit, comment rendre oral les mots lorsqu'on a une boule si grosse dans la gorge qu'elle laisse à peine passer le souffle ! Car, certains soirs, autant ne pas faire de bruit quand on respire !

Ces soirs-là, où Franck, le père, revient énervé, à moitié saoul cherchant les noises. Jusqu'au moment où il trouve un prétexte, une pacotille pour se détendre ! Heureusement, Grand-père Michou est toujours aux côtés de sa fille et de sa petite-fille. Il ronge son frein de ne pouvoir intervenir : elle le lui a interdit, persuadée que c'est la dernière fois. Et, puis, il a tant souffert enfant ! Pourtant, il sait qu'il doit pour les protéger garder le contact, être disponible, prêt à intervenir.

Ah, cette tendance des femmes à vouloir toujours les changer, les hommes !

Et, puis, il y a cette amitié avec un Gris du Gabon, le perroquet finaud appelé Blabla. En plus d'avoir parfaitement compris le drame qui se joue dans la maison, il incarne la tendresse du grand-père lorsqu'il n'est pas là.

Bleu, comme la couleur laissée sur la peau d'une maman. Silence, comme le bruit que font les pensées de l'enfant lorsqu'il doit se taire ! Évidemment, c'est une façon singulière de parler des violences faites aux femmes et aux enfants dans le cadre feutré d'une famille habituée à taire tout. Car, sinon, la violence décuple.

Associer mutisme et impossibilité à partager le vécu ET la peur quotidienne est une façon bien efficace d'en montrer les ravages. Il permet de déjouer tous les arguments donnés par la mère pour ne pas tout faire pour arrêter cette situation. A la hauteur de cette gamine de dix ans, la brutalité au quotidien est inadmissible.

Bleu silence change le paradigme souvent revendiqué par les victimes. Souvent on ne dénonce pas car on impute à l'agresseur des circonstances qui pourraient expliquer ce type de comportement. La protection doit changer de camp. Il n'y a ni à expliquer ni à justifier. La violence est injustifiable. le devoir de protection doit être due à la victime. Alors, lorsque la limite est posée, elle permet à son tour de protéger l'agresseur de sa propre violence, comme l'Oncle et la Tatie.

Les chapitres sont courts et concis. Les situations s'alternent rendant très vivant et crédible ce récit. Jean-Michel Audoual aime les mots et les manie avec talent. le lecteur attend avec impatience le moment où la fillette va retrouver une parole audible. Et, comme cela se produit, l'intrigue rebondit pour mieux souligner la dramaturgie de la situation vécue par cette famille.

Jean-Michel Audoual propose un récit émouvant mais nécessaire qui permet, encore et encore, de faire progresser l'aide aux victimes de violence. Son portrait de la fillette est très crédible et accentue sa démonstration. de plus, plutôt futée à l'intelligence vive, celle-ci est très attachante. La petite Mik hantera nos esprits longtemps !

Merci à Babelio et Eyrolles pour cette Masse critique particulière
https://vagabondageautourdesoi.com/2021/10/04/jean-michel-audoual/
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