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Critique de Fattorius


Le titre du dernier roman de Marc Augé est tout un programme: "Quelqu'un cherche à vous retrouver". Telle est la phrase clé de ce récit où chacun cherche son chacun, où les histoires individuelles se suivent, s'entrecroisent, s'écrivent à l'insu les unes des autres. C'est en effet la narratopsychologie qui sert de point de départ - un point de départ en forme de science de fantaisie permettant à Claire, personnage clé de ce récit, de se rapprocher d'un professeur à la retraite, Julien Arnaud. Comme toute fantaisie, il convient de l'exposer - on pourrait dès lors craindre un appareil théorique lourd en début de roman, mais l'auteur parvient à le rendre vivant en plaçant l'exposé dans la bouche du personnage De Claire et en l'illustrant à partir du film "Casablanca", célébrissime.

De quoi être intrigué! L'auteur joue sur la curiosité du lecteur pour le faire avancer dans sa lecture. Il faut dire que l'assertion "Quelqu'un cherche à vous retrouver" constitue une énigme à la réponse assez prévisible, trop pour accrocher le lecteur à elle seule. C'est ainsi que l'auteur présente ses personnages de manière énigmatique, par petites touches appelant d'autres questions: qui est ce vieux monsieur qui approche une jeune femme qui, de son côté, recherche précisément le contact avec lui? Lâchée par petits éléments, l'information rend le lecteur curieux, lui donne envie d'avancer, surtout en début de récit.

La rencontre entre Claire et Julien sert dès lors de prétexte à raconter la vie du vieux professeur, personnage clé également, mais d'une autre manière: alors que Claire joue le rôle à la fois cordial et lisse de la thérapeute qu'elle prétend être, esquivant les questions personnelles dans un premier temps, Julien se livre: mariage raté, temps passé en Algérie. Et au détour d'une phrase, survient le coup de théâtre... qui constitue, en page 75, le tournant du roman. C'est que la quête De Claire vise une cible précise: savoir qui est son père... ce que Julien n'est pas. Ce dernier lui donne un coup de pouce dans sa recherche. Il sera donc encore question de Berlin, de la Libération, des écoles parisiennes, du Quartier Latin en ébullition en Mai 68, des insomnies que Julien occupe à inventorier, par exemple, les femmes qu'il a eues - ou qui l'ont eu. L'une d'entre elles, ou une descendance inconnue, chercherait-elle à le revoir?

Certes bref (131 pages), ce roman met en scène des personnages attachants: un professeur qui aime à se raconter (ce qui permet d'intégrer des histoires dans l'histoire), une jeune femme curieuse et définitivement énigmatique, un autre professeur interprétant le marxisme de manière fort personnelle, et même le petit copain de la jeune femme, Armand - qui tend à démontrer que le monde est petit - et tout le monde semble s'apprécier. Un roman foncièrement optimiste donc, qui se dévore grâce à un style fluide et soigné qui fait alterner avec bonheur, en de brefs chapitres, les dialogues et les paragraphes longs. Et une question quand même, pour finir: et si c'était Julien lui-même qui, en fin de récit et au soir d'une vie plutôt subie que vécue (d'une manière qui est parente de celle de Frédéric Moreau, personnage de "L'Education sentimentale" de Flaubert, dont il est question à une ou deux reprises dans ce roman), était parvenu à "se (re)trouver"? Et si Claire avait hérité, au terme de ce récit, de deux papas pour le prix d'un? A vous, lecteur, lectrice, de le découvrir.

http://fattorius.over-blog.com/article-quelqu-un-cherche-a-vous-lire-39441793.html

Lien : http://fattorius.over-blog.com
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