Cela lui aurait suffi d'être clandestine. Cela lui aurait convenu de ne pas exister. Elle voulait être un secret, quelque chose qu'il garderait pour lui, à l'insu du monde, un secret protégé, et en cela innocent, insouciant. Un absolu.
« C'était l'année 2040, à présent, et l'humanité subsistait au cœur de la fournaise. » (p. 10)
« Ils étaient deux voyageurs. Voués à se comprendre. Voués à ne jamais se retrouver. » (p. 93)
J'aimerais raconter comment les hommes vivent avec leur écosystème, s'y adaptent et sont marqués par lui. » (p. 24)
Elle aimait l’immobilité de ces moments, ces discussions.
Elle avait choisi la Jordanie parce qu’elle était prise par l’appel du désert, de ces paysages immenses et vides qui la laveraient de son deuil. Rien ne la retenait plus à Paris. C’était son rêve, à présent, de partir, de s’absorber dans le monde, de s’en faire témoin, de disparaître derrière ses mots, de devenir ce puits à travers lequel passerait la lumière. La douleur de la perte, le souvenir de Moscou, c’était ce qu’elle voulait fuir.
Un mois de ciel noir et de pluies torrentielles avaient précédé, sur l’île, le retour du soleil qui se levait à présent chaque matin, écarlate, montait au-dessus de l’océan, comme s’il avait illuminé des mondes souterrains avant de jaillir à l’horizon.
Elle se demandait si les orphelins s’attiraient naturellement, où qu’ils soient dans le monde, comme s’ils émettaient entre eux un signal reconnaissable, à leur insu.
L’exil est l’état naturel de l’être humain. Né dans un lieu de hasard, appelé à ne jamais y demeurer, appelé à toujours y être ramené. Même si Moha venait à partir, il garderait le désert avec lui. Il appartient fondamentalement au désert.
Tout était là, les vestiges du passé et les racines de l’avenir.