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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Livewire Volume 2: Guardian (épisodes 5 à 8) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 9 à 12 (les derniers de la saison, initialement parus en 2019, écrits par Vita Ayala, dessinés et encrés par Tana Ford avec l'aide de Bruno Oliveira pour l'épisode 12, avec une mise en couleurs de Kelly Fitzpatrick. Les couvertures ont été réalisées par Stacey Lee, et les couvertures variantes par Raúl Allén, Irene Koh, Jen Bartel, Kris Anka, Helen Chen, Kevin Wada, le tome se termine avec 11 pages de recherches graphiques, et de pages encrées en noir & blanc.

Livewire (Amanda McKee) s'est introduite dans les bâtiments du Pentagone, en pensant que l'humanité a une habitude solidement ancrée de craindre ce qu'elle ne connaît pas, et de d'utiliser cette peur pour justifier de se montrer agressive. Dans le même temps, elle sait qu'elle s'est conduite ainsi et que des innocents ont été les victimes de son comportement. Au cours de sa progression dans les couloirs, elle se heurte bien sûr aux gardes en faction et un combat physique s'engage. Pendant l'affrontement, elle est en train d'explorer les banques de données du Pentagone, à la recherche des informations dont elle a besoin. Elle ne retrouve aucune trace du Programme pour l'éducation et la sécurité des Psiots (Psiot Safety and Education Program, en abrégé PSEP), ni de la directrice Serena Byrne. Alors qu'elle est dans l'entrepôt qui lui sert de base en train d'analyser les données qu'elle a recueillies, elle est tirée de sa concentration par l'alarme : deux personnes sont à sa porte et essayent d'entrer. Il s'agit d'une femme et d'un homme et ils portent des lunettes de protection pour déjouer les systèmes de reconnaissance. Livewire n'éprouve aucune difficulté pour neutraliser l'effet de ces lunettes. Ils sont vite identifiés : John Wright conseiller de la ville de Los Angeles, et Gwen Goodman sa directrice de campagne.

John Wright et Gwen Goodman n'ont eu qu'à pousser la porte pour entrer dans l'entrepôt et Goodman considère les mannequins en en touchant un féminin. Wright la taquine sur son ex-copain, et elle répond sur le fait qu'à l'époque elle voulait être normale, avant de s'assumer comme lesbienne quelques temps plus tard. Amanda McKee les interrompt dans leur discussion en apparaissant sur un écran et en leur indiquant qu'ils ne sont pas les bienvenus. John Wright explique qu'ils voulaient lui parler et qu'ils savaient qu'elle ne prendrait pas leur appel. Gwen Goodman indique qu'elle va faire les présentations. McKee sait déjà tout d'eux, en ayant fouillé les bases de données auxquelles elle a accès. Il n'y a quasiment rien d'incriminant sur Wright. Ce dernier explique qu'ils sont venus parce qu'il se présente aux élections sénatoriales contre Jeffrey McCoy, le sénateur en place. Ce dernier clame haut et fort ses convictions contre les psiotiques : il aimerait bien qu'ils soient parqués dans des camps pour neutraliser la menace qu'ils constituent. Il a même fait de McKee l'incarnation des dangers causés par les psiotiques. Ils sont venus la voir parce qu'elle a un problème d'image médiatique. Gwen Goodman renchérit en indiquant que Livewire est considérée comme une criminelle par la police, et comme un monstre par le grand public. Elle lui expose son plan en 3 étapes, la dernière étant de déposer plainte contre le gouvernement des États-Unis pour persécution, emprisonnement non justifié, et tentative d'assassinat contre Amanda.

Dans Harbinger Wars 2 (2018, par Matt Kindt & Tomás Giorello), Amanda McKee commettait un acte impardonnable entraînant la mort de centaines de civils, des dommages collatéraux. Dans le tome 1, Vita Ayala explorait les ramifications de cette situation, en faisant montre d'une vraie affection pour Amanda. Dans le tome 2, l'héroïne devait reprendre pied, en recommençant à aider des psiotiques, tout en assumant son statut de criminelle recherchée par la police. Que reste-t-il à faire à Amanda McKee ? La scénariste propose une histoire où un politicien en campagne souhaite récupérer Livewire pour se faire mousser, pour faire du bruit médiatique afin de se faire remarquer. Elle utilise bien les conventions des récits de superhéros : costume moulant pour McKee, utilisation de superpouvoirs (Livewire se connecte avec tout outil ou accessoire contenant de l'électronique et en prend les commandes), combats physiques. Néanmoins, une fois parvenu à la fin de cette saison, le lecteur se rend compte qu'il n'y a pas d'ennemi doté de superpouvoir dans ces épisodes. Livewire lutte essentiellement contre des dispositifs anti-intrusion contenus dans les systèmes informatiques où elle s'introduit. Cela en devient même déconcertant parce que sous un habillage superhéros, l'histoire n'est pas celle du bien contre le mal. Amanda McKee reste cette personne qui, sous l'impulsion d'une immense colère, a causé la mort de centaines de civils. Cette action la qualifie de terroriste : elle a réalisé un acte de sabotage de grande envergure perpétré sur des civils, et destiné à frapper l'opinion publique.

Le lecteur se demande donc où va le mener cette tentative de récupération politique par un trentenaire bien sympathique, mais qui dissimule forcément quelque chose, qui a ses propres motivations cachées. Amanda McKee reste sympathique, mais la scénariste se fait fort de rappeler explicitement qu'elle a causé la mort d'innocents. Rien qu'avec ces prémices, ce récit sort du chemin bien balisé du comics de superhéros, avec un personnage coupable, sans excuse. En découvrant qui a dessiné ces 4 épisodes, le lecteur constate qu'il s'agit d'une nouvelle artiste qui succède à Raúl Allén (tome 1) et à Kano (tome 2). Il avait peut-être déjà eu l'occasion d'apprécier ses dessins dans LaGuardia (2018/2019) de Nnedi Okorafor. Tana Ford détoure les personnages avec un tait un peu épais, et applique une direction d'acteurs un peu appuyée, à a fois pour les postures et les expressions de visage. Cela concourt à la fois à ce que les personnages soient animés d'une réelle vitalité, mais aussi à les faire côtoyer la caricature, pour un effet un peu dédramatisant. Cela ne neutralise pas la tension dramatique, mais ça rend le récit moins pesant, moins grave. le lecteur ressent qu'Amanda McKee, Gwen Goodman et John Wright sont habités par une réelle joie de vivre, ce qui ne les empêche pas de souffrir des coups du sort ou des moments pénibles. Lors de la manifestation des pouvoirs de Livewire, les images restent dans un registre de la normalité plausible avec des individus réalistes. Ainsi, le lecteur croit facilement à la discussion qui relève d'une forme de démarchage de la part de Wright & Goodman au profit de McKee, au talkshow plus vrai que nature, au déballage des motivations de John Wright prenant un verre chez lui pour se détendre le soir, aux petits fours de la soirée mondaine, et à l'opération de police pour arrêter un individu corrompu sur le pas de sa porte. La petite touche d'exagération de la direction d'acteurs confère une plus forte personnalité à chaque protagoniste, même ceux qui n'apparaissent que le temps d'une page.

L'artiste se montre tout aussi convaincante pour donner de la consistance aux différents lieux. le lecteur accepte sans difficulté que les couloirs du Pentagone puissent ressembler à ce qu'elle a dessiné, et voit sur la page suivante des installations de poste de travail en bureau fonctionnelles. Par la suite, il retrouve l'entrepôt aux mannequins comme il l'avait vu dans le tome précédent. Il accompagne Wright & Goodman dans des rues de Los Angeles lorsqu'ils regagnent leur voiture. Il peut voir la splendide villa du sénateur dans les hauteurs d'Hollywood, le salon spacieux de Wright, et la très grande salle de réception avec ses petites tables à nappe blanche. Il est un peu surpris de découvrir que Tana Ford n'a pas eu le temps de finir le dernier épisode, Bruno Oliveira dessinant 8 pages plus appliquées avec des personnages beaucoup plus raides, et moins sympathiques. La différence de rendu permet de mieux apprécier tout ce qu'apporte Tana Ford à la narration et aux personnages.

Le lecteur se laisse donc facilement entraîner par ce trio de personnages sympathiques de prime abord, malgré leurs imperfections. Il comprend bien que John Wright manipule Amanda McKee, sans trop savoir s'il est un politicien véreux ou si la réalité est plus nuancée. Il n'a pas besoin d'explication pour comprendre que Gwen Goodman a bien l'intention de faire carrière et que le rapprochement avec McKee n'est qu'une étape sur un long chemin. Il grimace un peu devant le manque de subtilité des motivations du sénateur Jeffrey McCoy, ripou sans nuance, sans qualité rédemptrice. Il découvre petit à petit le réel enjeu du récit, avec une pointe d'étonnement. Vita Ayala utilise un ton plutôt bon enfant pour mettre en scène une action politique pragmatique, animée d'une bonne intention, tout en utilisant les outils existants, mis à sa disposition. Il n'y a pas d'angélisme : il y a une forme d'altruisme pragmatique nourri par de réelles convictions, chaque individu disposant de ses propres motivations personnelles et n'oubliant ses propres intérêts, une vision réellement adulte de la vie.

Ce chapitre de clôture de la saison dédiée à Livewire déconcerte par sa narration tout publique et peu anxiogène, par sa narration visuelle sympathique marquée d'une vraie personnalité, et par ses conventions superhéros présentes mais peu consistantes. le lecteur prend peu à peu conscience que Vita Alaya raconte une histoire d'action politique aussi légitime que légale, pragmatique et ambitieuse, avec une évidence et une justesse remarquables dans un comics de superhéros.
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