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Critique de gerardmuller


La jument verte/Marcel Aymé
C'est un drôle de village que ce Claquebue évoqué par Marcel Aymé, illustré joyeusement par cette famille Haudouin obsédée par tout ce qui a un rapport proche ou lointain avec le sexe.
Claquebue, un hameau où règne un hédonisme bon enfant ou presque, où les convictions sincères religieuses ou politiques naissent dans le bas ventre et où par contre celles qui poussent dans la cervelle ne sont que calculs et ruses provisoires qui n'engagent ni la haine ni l'amitié.
Tout commence vers 1886 quand un beau matin, Jules le père découvre à sa ferme qu'est née une jument verte, oui verte !
Sur un ton badin teinté d'humour et de cynisme, dans un style alerte, facile et spirituel, usant avec délice de la métaphore, l'auteur nous conte cette vie de famille paysanne dont le fils Honoré, homme amoureux de la glèbe, vit avec tendresse des amours agrestes ou bucoliques, au choix, et Ferdinand son frère vétérinaire dans le pécher virtuel avec une mesquinerie et une hypocrisie sans pareilles.
Publié en 1933, ce roman merveilleux recourt à l'allégorie d'une jument verte, ce qui est quand même assez extraordinaire, pour nous exposer en toute simplicité et sans détour, mais toujours avec pudeur, le côté libidineux des personnages mis en scène.
« …Et le prêtre voyait le pécheur, accablé, resserré par la triste peur, traversant Claquebue et semant parmi les villageois la sainte méfiance de la chair qui est la première marche du paradis. Sur des âmes comme celle de Ferdinand, l'on était sûr de travailler avec un bénéfice apostolique, et pour ainsi dire sans effort. »
Aucune des petites turpitudes des uns et des autres, enfants et adultes ne nous est épargnée. Un délicat parfum de sensualité et d'érotisme discret émane de ces pages d'une grande finesse.
« On se racontait que Maloret dépucelait ses filles, mais l'histoire n'intéressait plus, depuis cent ans qu'elle courait…Il faisait un joli printemps sur la campagne, l'Empereur en était tout ragaillardi. Il admira beaucoup la maîtresse de maison qui avait un charme agreste et une poitrine de l'époque ... »
Tout cela sous le regard attendri de la jument verte encadrée depuis des lustres au dessus de la cheminée du salon, laquelle nous livre ses réflexions posthumes :
« Il se pratiquait à Claquebue quatorze manières de faire l'amour, que le curé n'approuvait pas toutes…Le jeu des préférences, les pudeurs d'une épouse, ou l'autorité du mâle, faisaient prévaloir telles manières- une ou deux- et rejeter dans l'oubli des acquisitions récentes, parfois même des traditions sur lesquelles une famille vivait depuis cent ans… »
« Dans la maison d'Honoré, l'amour était comme le vin d'un clos familial ; on le buvait chacun dans son verre, mais il procurait une ivresse que le frère pouvait reconnaître chez son frère, le père chez son fils, et qui se répandait en chansons du silence. »
Un roman délicieux à savourer mot à mot.

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