Entre la réponse conservatrice de refus absolu des nouvelles technologies et le "transhumanisme" béat, il faut élaborer une approche médiane de la modernité qui fasse place au progrès tout en préservant ce qui fait notre humanité.
38% des Français n'ont pas au moins l'une des quatre compétences numériques indispensables : s'informer, communiquer, s'informer sur un produit ou un service et rechercher des informations administratives. Pour ceux qui ne savent pas remplir un formulaire administratif en ligne, le monde numérique et ses mille opporunités sont inaccessibles.
Parce que les machines marchent et courent à notre place, nous devons marcher et courir plus encore.
Parce qu'elles se souviennent à notre place, nous devons cultiver notre mémoire.
Parce qu'elles décident sans nous, nous devons imposer nos décisions.
Pour ne pas nous livrer pieds, poings et cerveau liés aux algorithmes, nous devons nous reprendre en mains.
Désormais, nous devons être conscients que la technologie devient une prothèse. Elle vient se substituer à certaines de nos capacités. De plus en plus, nous abdiquons une partie de notre mémoire et de nos aptitudes réflexives au profit de la machine.
L'enjeu du siècle qui commence n'est ni la technologie ni le développement économique. Il est de réinventer la place de l'homme dans le monde.
L'algorithme n'intègre pas. Il trie et juxtapose. Un monde régi par ces programmes n'est pas un monde réconcilié, mais au contraire un monde qui industrialise la mise en silo des idées et des personnes.
Nous sommes peut-être déjà au-delà de l'addiction, qui naît du plaisir : il s'agit plutôt de compulsion qui, elle, est l'enfant de l'anxiété.
Internet n'a pas élevé les gens au niveau du savoir, mais a au contraire abaissé le savoir à leur niveau.
Nous sommes comme les Pompéiens. Le volcan gronde déjà, et bien peu pourtant lèvent la tête pour s'en inquiéter.
Il faudra pour défendre la culture, retrouver l'art de la conversation et de l'éloquence, vivre dans la présence sans cesse évoquée des grandes œuvres humaines et des grands créateurs. Nous devrons cultiver aussi avec soin nos relations sociales, préserver des moments de convivialité et de contacts réels dont mille outils nous détournent. C'est à ce prix que nous resterons non seulement des citoyens éclairés, mais surtout des êtes humains.