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Critique de KrisPy


- ATTENTION ! Cette critique contient des termes et des descriptions crues et relativement violentes. Elle est déconseillée aux âmes sensibles. -

"My Friend Dahmer" (Mon Ami Dahmer, en version originale non sous-titrée...) n'est pas une bande-dessinée avec des petits Mickeys dedans, comme son titre le laisse entendre clairement...
Ce roman graphique de qualité est en réalité la somme des souvenirs de lycée de de Derf Backderf lui-même, l'auteur de ce comic-book (bande-dessinée), et auteur auparavant de "Punk Rock and Trailer Parks". Il a été deux fois nominé aux Eisner Awards - récompense équivalente aux Emmy Awards pour les séries, ou aux Grammy awards pour la musique, qui est un prix décerné par des professionnels.
C'est vous dire si son travail est reconnu...
Et ce veinard de Backderf (humour noir !) a été au lycée avec un des plus célèbre serial killer du 20ème siècle : Jeffrey Dahmer, tueur cannibale, 17 victimes en 13 ans. A échappé à l'arrestation plusieurs fois : la police lui a même ramené une de ses victimes à la maison... Un homme très intelligent, mais horriblement perverti et malade. Un vrai psychopathe. Il voulait que ses victimes soient ses zombies, ses poupées sans volonté. Pour cela il leur injectait une solution à base d'acide de batterie dans le cerveau. Mais ça ne marchait pas...
Arrêté en 1991, grâce à une victime qui réussit à s'échapper, il fût condamné à la perpétuité et mourut en prison, assassiné, en 1994.
Voilà pour le portrait du tueur.

Mais ce n'est pas le propos du livre de Backderf. Il s'agit plutôt d'essayer de comprendre - et c'est ce qui me plait dans les livres sur les tueurs en série - comment, si ce n'est pourquoi, ce jeune garçon timide, bizarre, solitaire, en est venu à vouloir tuer des gens et les manger.
Il s'agit aussi pour Backderf de revenir sur le traumatisme rétroactif de tels souvenirs mis en lumière, ou plutôt jetés soudainement dans les ténèbres les plus sombres, à l'annonce télévisée internationale de l'arrestation de Dahmer, ce garçon que Backderf avait côtoyé durant une bonne partie de sa scolarité adolescente. Ils étaient voisins.
(Je me rappelle de l'arrestation de Jeffrey Dahmer, en 91. J'avais été choquée par son apparente tranquillité son calme, son détachement...)

Tout à coup, les actions, les faits et gestes de Jeffrey Dahmer, simple étudiant à Revere High School, Ohio, jusqu'en 1978, année où commencèrent les meurtres, deviennent lourds de sens et de questionnements.
On découvre sans surprise que Dahmer était cet adolescent typique qui correspond aux critères du F.B.I. en matière de psychopathes : ils habitaient dans un grand lotissement de résidences bourgeoises, en bordure d'une dense forêt. Famille bourgeoise en pleine crise, parents qui se disputent en permanence, enfant livré à lui-même, mère absente mentalement, ayant elle-même des problèmes mentaux, des crises de tétanies, prenant une vingtaine de pilules différentes par jour (une mode assez courante dans les 70's auprès des mères de familles de banlieue...), père absent, absorbé par son travail, jeune frère invisible. Dahmer lui-même est invisible aux yeux de tous, et il va faire des expériences sur des animaux morts, ramassés sur la route. Il va les mettre dans des bocaux, dans de l'acide de batterie, juste pour voir... Pour pouvoir récupérer les squelettes intactes aussi. Tous les signaux d'alarme sont déjà là. Et comme le dit si bien Backderf : mais où étaient les adultes ?
Backderf et ses amis ne le fréquenteront que la dernière année de lycée, car Dahmer sera devenu une espèce de phénomène... Toujours le même looser-weirdo (nulle-bizarre), il aura cependant gagné en masse corporelle, se musclant, et il aura surtout, inventé "l'attitude Dahmer" : imiter un paraplégique, un handicapé moteur, avec les mimiques et les cris qui vont avec...
C'est impressionnant. Et il le fait en toutes circonstances. Cela le rend célèbre dans tout le lycée. C'est là que Backderf se rapproche de lui. Il monte des farces ensemble. Mais jamais il ne pense à l'inviter en dehors du cadre scolaire. Jeffrey Dahmer le met mal à l'aise hormis lorsqu'ils font les retardés, il n'y a pas de communication. Et Dahmer aborde tout le temps ce visage impassible et figé. Vide.
A l'heure où les autres garçons voient leurs hormones les travailler et leur met en tête des idées salaces dont les filles sont le point centrale, Dahmer lui, est aussi en ébullition. Mais pas pour les filles, pour les garçons... morts.
C'est ce qui le fait fantasmer, déjà.

Quand on referme ce livre, on est triste. Triste de tout ce gâchis, triste que les gens soient si seuls, seuls avec leurs démons. Et puis, avec des si, comme le fait Backderf, on imagine ce qu'aurait pu être la vie pour Dahmer si quelqu'un l'avait aidé avant qu'il ne commette l'irréparable. Car Jeffrey Dahmer a lutté contre ses démons. Il s'était mis à boire, du matin au soir, pour tenter de museler ses fantasmes macabres.
Comme Backderf, et avec son aide, je ne cherche pas à trouver d'excuses, surtout pas, mais à comprendre, et à ressentir de l'empathie pour quelqu'un qui aurait pu être aussi de mes connaissances, on a tout eu des gens bizarres dans notre entourage, à l'école, des types bizarroïdes, solitaires, souvent les souffres-douleurs... Et on repense encore aux massacres de Columbine, et de tous les autres lycées qui ont vu des jeunes devenir fous face à l'indifférence et à leur différences.
Sick, Sad World... (triste monde malade...)
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